Présentation au Comité permanent de la santé : Étude sur la situation d’urgence à laquelle les Canadiens font face avec la pandémie de la COVID-19

APERÇU

SoinsSantéCAN, la voix pancanadienne des organisations de soins de santé, des établissements de recherche et des hôpitaux de partout au pays, se réjouit de pouvoir soumettre le présent mémoire au Comité permanent de la santé dans le cadre de son étude intitulée « Situation d’urgence à laquelle les Canadiens font face avec la pandémie de la COVID-19 ».

Alors que les citoyens et les gouvernements des quatre coins du Canada ont hâte de tirer un trait sur la COVID-19 et de retrouver une normalité post-pandémie, pour les travailleurs et les organisations du secteur de la santé de partout au pays, la crise est toujours bien présente. Cela s’explique en partie par les contraintes qui leur ont été imposées en raison de la pandémie. Toutefois, les difficultés avec lesquelles doit composer le secteur de la santé sont le signe d’un problème beaucoup plus grave : notre système de santé n’est pas conçu pour gérer des problèmes modernes et s’est lentement effrité sous une pression démographique qui a continué de croître avec les décennies. La COVID-19 a tout simplement poussé le système au-delà du point de rupture.

L’un des aspects qui inquiètent le plus nos établissements membres est le risque que les gouvernements et le secteur de la santé ne donnent pas suite aux leçons tirées pendant la pandémie et décident plutôt de revenir au statu quo d’avant la pandémie une fois le pire de la crise liée à la COVID-19 derrière nous. Nous ne pouvons laisser faire une telle chose. Comme nation, nous avons désespérément besoin de nous rallier et de nous servir de l’expérience acquise pendant la pandémie – et des décennies de recherche et d’expérience ayant précédé celle-ci – pour concevoir un système qui fonctionne harmonieusement partout au pays et pour tout le monde.

Pour ce faire, il faut obtenir la coopération de tous les ordres de gouvernement, travailler avec les intervenants du système de santé, y compris les patients, les fournisseurs de soins, les chercheurs, les défenseurs en matière de soins de santé ainsi que les groupes sous-représentés et mal desservis, comme les peuples autochtones, afin de mettre en place des solutions stratégiques qui repenseront les soins de santé au Canada en mieux et obtiendront de meilleurs résultats pour la santé de tous.

En tant qu’association représentant des organisations de soins de santé et de recherche en santé et cherchant à concevoir un meilleur système de santé, SoinsSantéCAN prône plusieurs changements clés au niveau du système, dont la nécessité n’a pu que se faire sentir davantage pendant la pandémie. La suite du présent mémoire décrit des recommandations.

RECOMMANDATIONS

Concevoir un système de santé qui répond aux besoins modernes

À la base, le système de soins de santé actuel du Canada a été conçu pour une autre époque. Ce que nous appelons l’assurance-maladie au Canada a été créée il y a près de 70 ans alors que la plupart des services de santé étaient offerts et donnés au privé. À l’époque, la population canadienne (16,5 millions de personnes) représentait un peu moins de la moitié de ce qu’elle est aujourd’hui (38,3 millions de personnes), l’âge médian de la population était légèrement inférieur à 28 ans (il est aujourd’hui d’un peu plus de 41 ans), tandis que l’espérance de vie moyenne était d’environ 69 ans (il est d’à peu près 82 ans aujourd’hui).

L’assurance-maladie a été créée dans le but de fournir des soins de courte durée à une population beaucoup moins nombreuse et beaucoup plus jeune qui ne faisait pas face aux problèmes de santé chroniques et complexes qui sont le lot de bien des gens de nos jours. Les gouvernements antérieurs ne pouvaient sûrement pas s’imaginer les demandes qui allaient peser un jour sur notre système de santé. Alors pourquoi continuons-nous de penser qu’un système conçu il y a 70 ans, et qui n’a subi que quelques mises à jour depuis, pourrait possiblement répondre aux besoins de la population canadienne d’aujourd’hui?

L’assurance-maladie, et le système de santé de façon plus générale, doit évoluer si l’on veut qu’il réponde aux besoins en matière de santé qui continuent de changer. Les services hospitaliers et médicaux représentent toujours des formes de soins essentielles, mais ce ne sont pas les seuls types de soins requis pour mener une vie saine. Les soins en santé mentale, le traitement des toxicomanies, les soins aux aînés, l’assurance-médicaments, les soins dentaires, les soins de la vue et bon nombre d’autres types de soins primordiaux pour mener une vie saine ne sont pas couverts par l’assurance-maladie.

Nous devons également adapter la façon dont nous fournissons les soins afin de nous conformer aux meilleures données probantes disponibles, ce qui suppose entre autres de fournir des soins davantage intégrés et axés sur le patient en tenant compte des différentes manières dont les gens souhaitent obtenir des soins, notamment à domicile et virtuellement. Par ailleurs, les soins de santé doivent être fournis selon des méthodes adaptées à la culture, sûres, exemptes de racisme et de discrimination et inclusives.

Tous les gouvernements – fédéral, provinciaux et territoriaux – ont le devoir de s’assurer que le système de santé canadien répond aux besoins de la population. Pour s’acquitter de ce devoir, il faudra apporter des modifications aux politiques, octroyer du financement supplémentaire, investir de façon plus efficace et efficiente dans le secteur de la santé et rendre des comptes à la population que les gouvernements desservent, ce qui permettra à tous d’obtenir de meilleurs résultats en matière de santé.

Recommandation 1 : Tous les ordres de gouvernement doivent travailler ensemble afin de repenser les soins de santé au Canada et de concevoir un système qui répond aux besoins modernes.

Recommandation 2 : Accroître les transferts fédéraux en matière de santé afin de tenir compte de la hausse des coûts des soins de santé et de permettre aux provinces et aux territoires d’améliorer les services de santé et de faire face aux répercussions de la pandémie, y compris le retard qui s’est accumulé dans les procédures médicales. Afin que ce processus porte ses fruits, il est essentiel d’établir des cibles transparentes qui amélioreront les résultats pour la santé et assureront une reddition de comptes à l’endroit de toute la population canadienne.

Renforcer l’effectif de la santé

Les travailleurs de la santé, qui représentent près de 10 % de toutes les personnes employées au Canada et plus de 66 % de toutes les dépenses en santé – ce qui équivaut à environ 8 % du PIB du Canada – constituent la ressource la plus précieuse de notre système de santé. Pourtant, les pénuries de personnel et les conditions de travail difficiles présentes dans le système de santé comptent parmi les obstacles les plus importants à la prestation de soins de qualité au pays.

Au Canada, le secteur de la santé doit faire face à des pénuries de travailleurs depuis plusieurs années, mais le problème s’est aggravé de façon exponentielle pendant la pandémie de COVID-19. Les données les plus récentes publiées par Statistique Canada montrent que l’on recensait 126 000 postes vacants dans le secteur des soins de santé et des services sociaux au cours du quatrième trimestre de 2021. Cela représente près du double du nombre de postes vacants comptabilisé en 2019 (64 000) et pratiquement un emploi vacant sur sept à l’échelle du pays1.

Les pénuries de personnel mettent en péril les soins aux patients et ont des répercussions physiques, mentales et émotionnelles considérables sur les travailleurs de la santé à tous les niveaux et dans tout le continuum de soins. Les ravages que la COVID-19 a causés du côté des travailleurs de la santé sont considérables et se feront sentir encore longtemps après la fin de la pandémie. Il est essentiel que les gouvernements s’attaquent aux pénuries de travailleurs de la santé en prenant des mesures à court et à long terme. Une telle action concertée est vitale si l’on veut s’assurer que le Canada dispose de l’effectif en santé dont il a besoin pour continuer de faire face à la COVID-19, rattraper les retards dans les procédures médicales et offrir des soins de qualité à ceux qui en ont besoin.

Recommandation 3 : Améliorer le processus d’immigration en vue de tirer davantage profit des compétences des immigrants et des nouveaux arrivants et de pouvoir doter les postes vacants à court et à moyen terme.

Recommandation 4 : Soutenir la coordination à l’échelle interprovinciale/territoriale des études et de l’octroi de permis.

Recommandation 5 : Favoriser la santé, le mieux-être, la sécurité et la résilience des travailleurs de la santé en élargissant les recherches, les programmes et les ressources sur la santé mentale et le mieux-être qui visent précisément les travailleurs de la santé.

Recommandation 6 : Mettre en place une stratégie de planification de l’effectif en santé à l’échelle pancanadienne ayant pour but de recueillir et d’analyser des données sur l’effectif afin de mieux comprendre les besoins de l’effectif et du système actuels, de prévoir les futurs besoins, d’élaborer des solutions pour faire face à la pénurie de travailleurs en santé et de s’attaquer aux facteurs qui nuisent au recrutement et au maintien en poste.

Recommandation 7 : Travailler en collaboration avec les gouvernements provinciaux et territoriaux, les organes chargés de la réglementation et les établissements d’enseignement en vue de former davantage de travailleurs de la santé canadiens – en particulier de travailleurs provenant de communautés autochtones et d’autres groupes sous-représentés – dans les professions et les domaines requis pour répondre aux besoins à long terme du système de santé.

Pour obtenir de plus amples renseignements sur ces recommandations, prière de consulter le mémoire de SoinsSantéCAN soumis au Comité permanent des ressources humaines, du développement des compétences, du développement social et de la condition des personnes handicapées.

Améliorer la recherche et l’innovation en santé

La crise liée à la COVID-19 a démontré de façon claire et convaincante le rendement du capital investi dans le domaine de la recherche et de l’innovation en santé. Les chercheurs canadiens ont fait leur part pour mener la lutte contre la COVID-19 à l’échelle mondiale en étant les premiers à tracer le profil de la réponse immunitaire du corps au virus et en développant les nanoparticules lipidiques permettant de transporter l’ARNm vers les cellules du corps – une percée qui est le résultat de 40 ans de recherche.

La pandémie n’a pas seulement fait ressortir les failles dans l’écosystème de recherche en santé du Canada, comme les investissements limités, le manque de coordination à l’échelle pancanadienne et un contexte nuisant à l’établissement de partenariats; en effet, elle a également sonné l’alarme quant au fait que le Canada doit accorder davantage la priorité au soutien du secteur de la recherche et de l’innovation en santé – deux domaines qui sont interdépendants. Le temps est venu de miser pleinement sur les organismes de la santé et des sciences de la vie, notamment les hôpitaux de recherche et les organismes de soins de santé, non seulement en raison du rôle qu’ils jouent lorsqu’il s’agit de soigner la population canadienne et de la garder en santé, mais également parce que ce sont des forces d’économie et d’innovation présentant un potentiel national et mondial incroyable.

Le nombre croissant d’urgences sanitaires causées par les changements climatiques et les nouveaux virus, le vieillissement de la population canadienne et le passage du Canada à une économie de l’innovation et du savoir signifient que le secteur de la santé – et celui de la recherche et de l’innovation en santé plus précisément – est essentiel à la santé et à la productivité de la nation ainsi qu’au maintien d’une économie solide et compétitive à l’échelle mondiale.

Recommandation 8 : Effectuer des investissements évolutifs dans la recherche en santé pour protéger la population canadienne contre de futures crises sanitaires et pour tirer parti des possibilités économiques, en commençant par un montant annuel minimum représentant deux pour cent des dépenses en santé (ou 3,7 milliards de dollars) qui serait affecté à la recherche pure en santé, à des initiatives stratégiques visant à s’attaquer à des enjeux sociaux urgents et à l’application des connaissances.

Recommandation 9 : Adapter les structures, les politiques et les niveaux d’investissements dans les secteurs de la recherche et de l’innovation en santé afin de soutenir davantage la recherche stratégique et intégrée en santé. Cela suppose notamment de réinvestir dans les sciences fondamentales par l’intermédiaire des trois Conseils et de centraliser les investissements dans les sciences stratégiques en passant par un organisme, comme l’entité Canada Advanced Research Projects Agency (CARPA) que l’on propose de créer.

Recommandation 10 : Mettre en place une direction gouvernementale et/ou un ou plusieurs programmes de financement mettant l’accent sur l’application des connaissances afin de transposer les données issues de la recherche en santé dans la pratique et de commercialiser des produits de recherche novateurs.

Recommandation 11 : Financer les priorités dans le domaine de la recherche en santé qui ont été mises en évidence par la pandémie, y compris la recherche sur la prévention dans le contexte des soins primaires, l’équité et les inégalités dans les soins de santé et les déterminants sociaux de la santé.

Recommandation 12 : Élaborer un cadre d’essais cliniques pancanadien qui fera du Canada un endroit plus attrayant pour mener des essais cliniques et devenir un chef de file mondial. Cela passera notamment par la mise en place d’un organe qui dirigera l’élaboration et la mise en oeuvre d’un tel cadre.

Recommandation 13 : Construire ou rénover des hôpitaux afin de créer les laboratoires ou l’espace d’incubation dont on a tant besoin pour attirer et réunir des chercheurs, des universités et des collèges, l’industrie, des innovateurs et des organismes sans but lucratif.

Recommandation 14 : Faciliter la création de réseaux ou de centres de santé à proximité des hôpitaux de recherche pour réunir le monde universitaire, l’industrie, les entreprises en démarrage, les incubateurs et d’autres entreprises.

Recommandation 15 : Évaluer les programmes de financement fédéraux et des trois Conseils pour voir à ce que les critères soient moins restrictifs, et donc plus flexibles, dans le but de favoriser l’établissement de partenariats.

Recommandation 16 : Améliorer l’interopérabilité du système de santé en vue de soutenir la création de partenariats, notamment par la création d’une stratégie de recherche sur les données en santé et d’un dépôt regroupant ces mêmes données à l’échelle pancanadienne.

Pour obtenir de plus amples renseignements sur ces recommandations, prière de consulter le mémoire de SoinsSantéCAN soumis au Comité permanent de la science et de la recherche.

Moderniser l’infrastructure de la santé

Au cours des 20 dernières années, les investissements de capitaux canadiens dans l’infrastructure de la santé ont fluctué; la baisse a été plus marquée au cours des dernières années même si les dépenses en santé ont augmenté régulièrement de façon générale au cours de la même période2. Contrairement à la tendance parmi les pays membres de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) qui ont augmenté leurs investissements de capitaux depuis 2010, le Canada a investi 14 % moins en termes réels en 2019 par comparaison avec 2010.

Les organismes de la santé ont ressenti les effets de cette baisse des investissements de capitaux, avec un entretien différé accumulé pour les hôpitaux seulement évalué à environ 28 milliards de dollars en 20153. Le fait de ne pas investir suffisamment de capitaux affaiblit la capacité de fournir des services selon les normes de soins aux patients acceptées ou nouvelles, surtout lorsque les normes en question exigent des technologies de diagnostic et de traitement coûteuses4.

La pandémie a révélé brutalement que l’infrastructure de la santé désuète du Canada mettait la santé des Canadiens en péril, notamment dans le secteur des soins de longue durée qui compte de nombreux établissements vieillissants où il est pratiquement impossible de se conformer aux protocoles relatifs aux infections, à la prévention et à la lutte contre les maladies. Il est primordial de mettre en place une infrastructure moderne si l’on veut améliorer l’accès aux services et les résultats obtenus par les patients.

Recommandation 17 : S’assurer que le financement consacré aux infrastructures se rend au secteur de la santé en accordant aux organismes de la santé, comme les hôpitaux, les établissements de recherche, les autorités sanitaires et les établissements de soins de longue durée, un accès direct et égal au financement fédéral réservé aux infrastructures.

Recommandation 18 : Accroître les investissements de capitaux dans le secteur des soins de santé pour qu’ils atteignent au minimum 0,6 pour cent du produit intérieur brut (PIB) (soit environ 12,5 milliards de dollars) afin de se rapprocher davantage de ce que font les autres pays membres de l’OCDE.

Recommandation 19 : Soutenir l’élargissement des soins virtuels et de la santé numérique, notamment grâce à des améliorations apportées aux technologies de l’information et à l’infrastructure numérique dans tout le système de santé.

Recommandation 20 : Renforcer les capacités du secteur de la santé en matière de cybersécurité grâce à des investissements, à des programmes et à des normes.

RÉFÉRENCES
  1. Statistique Canada. Postes vacants, quatrième trimestre de 2021. 2021. https://www150.statcan.gc.ca/n1/daily-quotidien/220322/dq220322a-fra.htm
  2. Teja, B. et coll. Ensuring adequate capital investment in Canadian health care. JAMC. 192 (25) E677-E683. Juin 2020. https://doi.org/10.1503/cmaj.191126
  3. Ibid.
  4. Ibid.