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Précipitées par le COVID, les avancés du Canada en santé numérique vont-elles durer ou régresser une fois la « nouvelle normalité » établie ?

APERÇU

Alors que la pandémie de COVID-19 a semé le chaos dans les soins de santé, l’éducation et l’économies mondiale au cours du premier semestre 2020, elle a également accéléré le recours privilégié aux soins virtuels.

Au-delà de la simple prestation de premiers soins, les plateformes de santé numériques connectent désormais les spécialistes des soins intensifs de grands centres aux petits hôpitaux qui ne bénéficient pas de la même expertise, fournissent des premiers soins et soins spécialisés aux communautés rurales et isolées, aux établissements correctionnels et aux établissements de soins de longue durée, et jouent un rôle important dans l’évaluation, le traitement et le soutien en santé mentale1.

Les plateformes de santé et de données numériques ne se résument pas à la connexion à distance des patients aux médecins. Inforoute Santé du Canada note que selon 93 pour cent des médecins le recours aux dossiers médicaux électroniques (DME) permet de fournir de meilleurs soins aux patients, de réduire les doublons d’examens et de minimiser les effets indésirables liés aux médicaments. La croissance rapide du volume, de la vitesse de transmission et de la variété des données, également appelées «mégadonnées», peut révolutionner les approches traditionnelles de stockage, de gestion et d’analyse des données. Les mégadonnées ont le potentiel de transformer le secteur de la santé et d’améliorer la santé de la population, l’analyse prédictive, les soins de santé personnalisés, la recherche et l’éducation.

Pourtant, même si le Canada a été un précurseur de la télésanté il y a plus de 30 ans, offrant des services téléphoniques aux populations isolées de Terre-Neuve, nous avons malheureusement pris du retard par rapport aux autres pays en termes de santé numérique.

Une enquête réalisée en 2016 par le Fonds du Commonwealth a non seulement révélé que le Canada était à la traine par rapport à ses pairs en ce qui concerne l’adoption d’outils numériques, mais qu’il existait aussi des variations considérables entre les provinces et les territoires2. Ces variations entre systèmes de soins provinciaux et territoriaux du Canada se traduisent par des différences dans les normes, une interprétation et une application incohérentes en termes de confidentialité et de législation et l’absence de cadres unifiés de gouvernance des données. Sans surprise, ces systèmes de santé cloisonnés présentent des obstacles importants au déverrouillage et à l’exploitation des données.

La crise du COVID-19 nous montre que l’exploitation efficace des données recèle un incroyable potentiel, en particulier en termes de modélisation prédictive. Après que le premier cas confirmé a été signalé à Wuhan, en Chine, à la fin de 2019, des modèles mathématiques et informatiques3 ont servi de base à l’Organisation mondiale de la santé pour déclarer le potentiel d’une pandémie mondiale moins d’un mois et demi plus tard. De même, la modélisation a été utilisée pour prédire les taux d’infection et de mortalité et inciter les pays à prendre des mesures décisives dans l’intérêt de la santé et de la sécurité publiques.

Les experts estiment que l’évolution des modèles classiques de prestation de soins de santé est imminente. L’Association médicale canadienne a déterminé que plus des deux tiers des suivis médicaux peuvent être effectués virtuellement et un récent sondage auprès de 1800 Canadiens a montré que 91% étaient très satisfaits des services de soins virtuels et 42% préféreraient continuer à les utiliser4.

SoinsSantéCAN continue de collaborer avec ses membres et le gouvernement fédéral pour accélérer le recours aux solutions de santé numériques au Canada.

QU’EST-CE-QUI EMPÊCHE LE RECOURS PLUS ÉTENDU AUX SOINS VIRTUELS ?

Développer les services de santé numériques aura pour principal avantage la praticité et le gain de temps et d’argent pour les patients et les professionnels de la santé. Cependant, les experts craignent que l’utilisation généralisée des soins virtuels ne marginalise davantage les groupes défavorisés et soit moins bénéfique pour les populations vivant dans des zones rurales et mal desservies, de niveau socio-économique inférieur ou sans abri, ayant un faible niveau de littératie en santé numérique et celles souffrant de maladies mentales5.

Les réglementations et politiques actuelles ne permettent pas d’envisager l’élargissement des soins virtuels. Les règlementations relatives à la facturation des soins favorisent les consultations en personne et rémunèrent les visites virtuelles à des taux inférieurs, ce qui décourage les médecins. Bien que ce problème ait été temporairement résolu en raison de la pandémie dans la plupart des provinces et territoires, il reste à voir si ces changements resteront permanents.

Les politiques et les pratiques de délivrance de permis ne soutiennent pas la médecine interprovinciale et territoriale, ce qui met un frein au véritable potentiel des soins virtuels. Dans les collectivités nordiques isolées, les patients recherchent souvent des soins spécialisés dans d’autres juridictions, mais dans de nombreux cas, le partage de l’information entre les frontières n’est pas possible. Pour compliquer davantage le problème, les patients ont rarement accès à leurs dossiers de santé, ce qui mène à de graves compromis en matière de soins et de sécurité des patients.

La numérisation des données présente des défis concernant certaines exigences de sécurité, de confidentialité, de consentement et de confiance, mais elle permet aussi de partager des informations d’importance vitale. De nombreuses études et avis d’experts soutiennent l’accès et le contrôle des patients sur leurs propres données, et quelques organisations de soins de santé, même si elles sont rares, ont commencé à avoir recours aux données numériques. Les cyberattaques ont tendance à cibler le secteur de la santé en raison de la richesse des données et du fait que ces organisations n’hésitent pas à payer les rançons pour éviter toute interruption6. Pour en savoir plus sur les défis que représente la cybersécurité dans le domaine de la santé, consultez l’article de SoinsSantéCAN intitulé COVID-19 et cybersécurité : le confinement n’est pas un frein aux cyberattaques.

Les membres de SoinsSantéCAN ont fait part de leurs préoccupations.

Dans un sondage réalisé en avril 2020, les membres ont déclaré que pour réussir à étendre les soins virtuels, le secteur de la santé nécessitait :

  • des plateformes nationales de santé numérique qui permettent le partage de données entre les institutions de tout le pays et un système d’information centralisé pour les premiers soins qui permettrait d’uniformiser les dossiers de santé des patients ;
  • le financement des technologies de surveillance à distance et des structures de soutien aux soins virtuels (licences logicielles et frais d’abonnement, plans d’assurance maladie étendue, intégration avec les DME, frais d’hébergement cloud, connectivité pour les communautés isolées et rurales, mise à jour du matériel, des logiciels et des services de connectivité pour professionnels de la santé, etc.) ;
  • des structures hébergeant des centres d’appels, des centres de triage virtuel, des salles d’attente ou d’enregistrement et des «navigateurs numériques» qui peuvent fournir un soutien supplémentaire aux patients pour les orienter vers les technologies appropriées et salles de soins virtuelles (salles avec écrans, caméras et microphones, capteurs intégrés de fréquence cardiaque, de température et de pression artérielle, etc.) ;
  • le recours aux outils d’ intelligence artificielle permettant le suivi des patients et les diagnostics à distance ;
    un financement visant à améliorer les infrastructures essentielles et la cybersécurité et veiller à ce que et les systèmes de santé soient correctement informés et protégés contre les nouvelles menaces ;
  • des registres sur la santé mentale qui contiendraient les données des patients nécessitant une hospitalisation ou un suivi ambulatoire, et qui assureraient la mise en relation avec les programmes de soins communautaires, les programmes d’autogestion et de développement personnel, les cliniques d’accès rapide aux traitements des dépendances, ainsi que les groupes de soutien virtuels aux familles ;
  • des formations sur les soins virtuels pour assurer que les étudiants disposent des outils et connaissances nécessaires pour travailler dans le secteur médical.
NOS OBJECTIFS

SoinsSantéCAN milite vigoureusement pour le développement de services numériques en santé dans le but d’améliorer les soins apportés aux patients, de trouver des remèdes et des traitements aux maladies et d’accroître l’efficacité du système de soins de santé.

Nous avons encouragé le gouvernement à :

  1. investir de façon significative sur une période de cinq ans dans les hôpitaux de recherche et les centres universitaires des sciences de la santé du Canada afin de développer les essentielles plateformes et applications de données numériques sur la santé ;
  2. collaborer avec les entreprises, les législateurs, les commissaires à la protection des renseignements personnels, les médecins et les patients ainsi qu’Inforoute Santé du Canada ;
  3. entreprendre une évaluation des avantages cliniques et promouvoir leur utilisation dans tout le système de santé.