Mémoire présenté aux organismes fédéraux de financement de la recherche dans le cadre de la consultation sur la création d’un nouvel organisme-cadre

SOMMAIRE DES RECOMMANDATIONS
  1. Élaborer une stratégie pancanadienne de la recherche et de l’innovation et une vision pour la recherche en santé
  2. Maintenir le lien entre la recherche en santé et le portefeuille élargi de la santé
  3. Préserver les principaux principes de la Loi sur les Instituts de recherche en santé du Canada
  4. Impliquer les chercheurs en santé qui travaillent dans le système de santé dans le processus de réorganisation et la nouvelle structure
  5. Continuer de soutenir la recherche impulsée par des chercheurs et la recherche menée par des chercheurs en début de carrière
  6. Consolider toute la recherche axée sur une mission sous l’égide de l’organisme-cadre de financement de la recherche
  7. Donner aux organisations de soins de santé un accès direct et égal aux programmes de financement
  8. Mieux soutenir l’application des connaissances, la mise en œuvre et la commercialisation de la recherche en santé
  9. La réorganisation du système fédéral de soutien à la recherche doit être financée et s’inscrire dans le cadre d’efforts de transformation plus vastes
  10. La structure et la composition de l’organisme-cadre de financement de la recherche doivent soutenir au mieux l’excellence de la recherche canadienne
  11. Mettre en place le Conseil sur les sciences et l’innovation et veiller à ce qu’il soutienne au mieux l’excellence de la recherche canadienne
INTRODUCTION

SoinsSantéCAN, le porte-parole national des instituts de recherche en santé, des hôpitaux, des autorités sanitaires et des organisations de soins de santé au Canada, se réjouit de l’occasion qui lui est donnée de faire part de ses commentaires dans le cadre de la consultation entreprise par les trois organismes fédéraux de financement de la recherche du Canada sur la création d’un nouvel organisme-cadre de financement de la recherche.  

La réorganisation du système fédéral de recherche, y compris la création d’un organisme-cadre de financement de la recherche, est une excellente occasion de renforcer l’écosystème de la recherche du Canada dans toutes les disciplines et d’accroître les liens entre la recherche en santé et l’écosystème élargi de la recherche canadienne. Pour les chercheurs en santé en particulier, cette réorganisation offre une occasion de renforcer l’engagement direct avec le gouvernement fédéral sur le financement de la recherche et de l’innovation en général et dans toutes les disciplines, ce qui s’avère essentiel compte tenu du caractère interdisciplinaire de la recherche en santé et de l’innovation dans les soins de santé.

Bien menée, cette réorganisation du système fédéral de soutien à la recherche permettra aux chercheurs et aux organismes de recherche canadiens de s’attaquer aux plus grands défis du pays de manière coordonnée et multidisciplinaire, au bénéfice de la population canadienne.

Les recommandations de SoinsSantéCAN formulées ci-dessous mettent l’accent sur les principes qui doivent guider la réorganisation du système fédéral de soutien à la recherche et la création de l’organisme-cadre, ainsi que sur les risques qui doivent être atténués pour assurer une transition en douceur et l’adhésion de la communauté de la recherche en santé.

RECOMMANDATIONS DÉTAILLÉES

1. Élaborer une stratégie pancanadienne de la recherche et de l’innovation et une vision pour la recherche en santé

SoinsSantéCAN craint que le gouvernement fédéral ne restructure le système de soutien à la recherche sans établir une stratégie pancanadienne de la recherche et de l’innovation accompagnée d’une vision pour la recherche en santé.

Les modifications proposées dans le budget 2024, y compris la création d’un organisme-cadre de financement de la recherche et d’un conseil consultatif sur la science et l’innovation, sont importantes, mais ces nouveaux organismes risquent l’échec et l’inefficacité si l’on ne connaît pas précisément les objectifs qui ont justifié leur création. En l’absence d’une stratégie et d’une vision pancanadiennes clairement définies de la recherche et de l’innovation en santé, élaborées conjointement avec tous les partenaires concernés – y compris les gouvernements provinciaux et territoriaux, les gouvernements et les représentants autochtones, les chercheurs et les dirigeants du système de santé, les cliniciens de première ligne, les personnes ayant une expérience vécue, le milieu universitaire, le secteur privé et le secteur à but non lucratif – SoinsSantéCAN se demande comment la performance de l’organisme-cadre et du conseil sur la science et l’innovation sera évaluée. Les modifications au système fédéral de la recherche mises en œuvre à la fin des années 2010 n’ont pas atteint l’objectif et l’impact escomptés et nous ne voulons pas que l’histoire se répète. La recherche et l’innovation sont trop importantes pour la réussite et la prospérité du Canada, en particulier à l’heure où nos homologues mondiaux redoublent d’ambition et d’investissement.

2. Maintenir le lien entre la recherche en santé et le portefeuille élargi de la santé

La recherche en santé est fondamentale pour améliorer la prestation des soins de santé, les traitements médicaux et les résultats en santé. Il est important d’améliorer la synergie entre les trois organismes subventionnaires fédéraux et les programmes fédéraux de recherche et d’innovation, mais il ne faut pas le faire au détriment du lien étroit qui doit être maintenu entre la recherche en santé et le portefeuille global de la santé.

Alors que le gouvernement s’apprête à réorganiser le système fédéral de soutien à la recherche, il doit examiner comment sera maintenu ce lien entre les Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC) et Santé Canada dans le contexte d’un nouvel organisme-cadre de financement de la recherche. Le gouvernement fédéral doit mettre en place un mécanisme qui maintient le lien entre ces deux organisations de la santé – et toutes les autres organisations ou les programmes fédéraux de soutien à la recherche et à l’innovation en santé – ainsi que le lien avec les ministères de la Santé provinciaux et territoriaux.

SoinsSantéCAN encourage le gouvernement fédéral à envisager la mise en œuvre des approches suivantes pour maintenir le lien entre la recherche en santé et le portefeuille global de la santé :

  • Veiller à ce que les IRSC et l’organisme-cadre aient le mandat d’améliorer les résultats en santé de la population canadienne. Ce mandat pourrait être défini en apportant les modifications législatives nécessaires pour réorganiser le système fédéral de soutien à la recherche et établir l’organisme-cadre de financement de la recherche, ainsi qu’en mettant en place des programmes qui soutiennent la recherche menée dans le contexte de la prestation des soins de santé.
  • Mettre en place un modèle dans lequel le ministre de la Santé – en particulier pour les questions reliées à la santé – et le ministre de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie sont les décideurs finaux et doivent harmoniser leur approche pour aller de l’avant.
  • Reconnaître le rôle unique des cliniciens-chercheurs au sein de l’écosystème canadien de la recherche, notamment en tant que chercheurs qui donnent des soins cliniques et qui appliquent les résultats de leurs recherches dans le système de santé. Le gouvernement fédéral doit s’assurer que les trois conseils subventionnaires fédéraux de la recherche et l’organisme-cadre de financement de la recherche soutiennent ce rôle crucial de la recherche dans le cadre de leur mandat et de leurs programmes. Le modèle adopté par le Fonds de recherche du Québec – Santé (FRQS) devrait être pris en considération.

3. Préserver les principaux principes de la Loi sur les Instituts de recherche en santé du Canada

La Loi sur les Instituts de recherche en santé du Canada est une loi exhaustive qui crée la personne morale appelée IRSC et décrit son mandat, ses objectifs, ses pouvoirs et sa structure. En comparaison, les lois adoptées pour les autres organismes subventionnaires, la Loi sur le Conseil de recherches en sciences humaines et la Loi sur le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie sont beaucoup moins exhaustives et ne font que décrire la constitution et les pouvoirs de ces deux Conseils subventionnaires.

La Loi sur les Instituts de recherche en santé du Canada est la seule de ces trois lois à comprendre un préambule qui est primordial pour la mission des IRSC et de la recherche en santé du Canada. Ce préambule énonce que le Parlement reconnaît « que le Canada doit être un chef de file reconnu à l’échelle internationale pour sa contribution aux progrès mondiaux de la recherche en matière de santé, et que l’excellence de la recherche dans ce domaine est essentielle à l’amélioration de la santé de la population canadienne et de la collectivité mondiale ». Il décrit également le rôle important que jouent les IRSC et leurs instituts pour attirer et retenir les meilleurs chercheurs en sciences de la santé, créer de nouvelles connaissances scientifiques de grande qualité, appliquer ces connaissances à l’élaboration et à la mise en œuvre d’une politique et d’une pratique innovatrices et accroître le développement économique du Canada et la croissance économique et la création d’emplois. Les valeurs décrites dans le préambule de la Loi doivent être préservées et doivent être au cœur du mandat du nouvel organisme-cadre de financement de la recherche.

À la différence des autres lois des conseils subventionnaires, la Loi sur les instituts de recherche en santé du Canada comprend la mission pour IRSC « d’exceller, selon les normes internationales reconnues de l’excellence scientifique, dans la création de nouvelles connaissances et leur application en vue d’améliorer la santé de la population canadienne, d’offrir de meilleurs produits et services de santé et de renforcer le système de santé au Canada » et elle prescrit les moyens pour IRSC de réaliser cette mission. SoinsSantéCAN encourage le gouvernement fédéral à préserver cet objectif et à s’assurer qu’il soit un objectif central pour le nouvel organisme-cadre de financement de la recherche.

4. Impliquer les chercheurs en santé qui travaillent dans le système de santé dans le processus de réorganisation et la nouvelle structure

La majeure partie de la recherche en santé au Canada est menée dans des organisations de soins de santé. Les chercheurs en santé qui travaillent dans le système de santé sont par conséquent des partenaires importants pour le gouvernement fédéral lorsqu’il est question d’apporter des changements au financement de la recherche en santé et aux programmes de recherche et d’innovation élargis, étant donné la nature interdisciplinaire de la recherche en santé.

Pourtant, ces chercheurs sont souvent exclus des tables importantes du gouvernement fédéral dont les décisions ont des incidences sur la capacité et la manière dont ces chercheurs peuvent mener leurs travaux. C’est particulièrement le cas en ce qui concerne le financement et les programmes d’innovation fédéraux, l’approche par défaut consistant à s’engager avec les universités et le secteur privé.

Alors que le gouvernement fédéral s’apprête à créer l’organisme-cadre de financement de la recherche et le Conseil de la science et de l’innovation, les chercheurs en santé qui travaillent dans le système de santé doivent être impliqués tout au long du processus et être présents dans les structures finales qui seront créées. SoinsSantéCAN soutient que les chercheurs qui travaillent actuellement dans les instituts de recherche en santé, les hôpitaux et les organisations de soins de santé devraient être membres de l’organe consultatif des IRSC, du conseil d’administration de l’organisme-cadre de financement de la recherche et du Conseil des sciences et de l’innovation. Cela leur permettra d’orienter le travail du gouvernement en donnant un aperçu de la perspective et des besoins uniques de la recherche en santé menée en milieu clinique et des chercheurs en santé qui travaillent dans le système de santé.

5. Continuer de soutenir la recherche impulsée par des chercheurs et la recherche menée par des chercheurs en début de carrière

Avec la création de l’organisme-cadre de financement de la recherche qui aura notamment comme mandat de faire progresser la recherche axée sur la mission, le gouvernement fédéral doit s’engager à maintenir les niveaux actuels de soutien à la recherche dirigée par les chercheurs. Le financement de la recherche impulsée par les chercheurs doit continuer d’être attribué selon une évaluation par les pairs et l’excellence. Il doit augmenter proportionnellement à toute augmentation globale du financement fédéral de la recherche à l’avenir.

De même, il est important de continuer à soutenir adéquatement les chercheurs en début de carrière pour s’assurer que le Canada forme, attire et retient des chercheurs de grand talent afin de maintenir son pipeline de talents en recherche.

6. Consolider toute la recherche axée sur une mission sous l’égide de l’organisme-cadre de financement de la recherche

On compte actuellement de nombreux organismes et programmes qui financent de la recherche axée sur une mission, notamment le Conseil national de recherches du Canada (CNRC), le Fonds d’excellente en recherche Apogée Canada (FERAC), le Fonds stratégique des sciences (FSS), la Fondation canadienne pour l’innovation (FCI), le Fonds de recherche biomédicale du Canada (FRBC) et le Fonds d’infrastructure de recherche en sciences biologiques FIRSB), ainsi que Génome Canada. Ces organismes et ces programmes devraient être intégrés à l’organisme-cadre de financement de la recherche, de manière à ce qu’il englobe toutes les structures de recherche axée sur une mission au niveau fédéral.

De même, l’organisme-cadre de financement de la recherche devrait assurer la coordination du financement fédéral des entités à mission particulière, comme Brain Canada.

7. Donner aux organisations de soins de santé un accès direct et égal aux programmes de financement

Les chercheurs qui travaillent dans le système de santé apportent des perspectives uniques sur les besoins en soins de santé et un accès crucial à des groupes de population qui sont nécessaires pour mener la recherche en santé. Les cliniciens-chercheurs qui travaillent directement avec les patients peuvent comprendre et cerner les défis de la prestation des soins, mener de la recherche pour trouver des solutions, puis mettre ces solutions en pratique au bénéfice des personnes qui reçoivent les soins. Malgré leur rôle essentiel, les chercheurs en santé qui travaillent dans le système de santé sont souvent injustement exclus de l’accès direct au financement fédéral de la recherche et de l’innovation.

Les organisations de soins de santé dépendent largement de leur affiliation avec des universités ou de leurs relations avec des organisations du secteur privé pour avoir accès aux programmes fédéraux de subvention de la recherche et de l’innovation. Par exemple, les instituts de recherche en santé et les organisations de soins de santé doivent passer par leurs universités affiliées lorsqu’elles demandent des subventions au FCI, au Fonds de soutien à la recherche, aux Chaires de recherche du Canada, à Mitacs et à d’autres programmes. Les initiatives plus récentes, telles que l’Initiative des supergrappes d’innovation et le Fonds stratégique pour l’innovation (FSI), sauf pour le volet 4, sont des initiatives dirigées par l’industrie.

De plus, pour s’associer avec les universités ou le secteur privé et bénéficier du financement fédéral, les organisations de soins de santé sont souvent tenues de fournir un soutien en nature, comme le temps des chercheurs, l’espace et le temps passé dans leurs laboratoires ou des fonds de contrepartie.

L’approche actuelle nuit également à la capacité des organisations de soins de santé qui ne sont pas affiliées à des universités ou à d’autres institutions académiques admissibles d’obtenir le financement fédéral de la recherche et de l’innovation décrit ci-dessus. Cela pose un problème d’équité, puisque de nombreuses organisations fournissent des soins en dehors des grands centres urbains où opèrent la plupart des universités, notamment dans des zones rurales et éloignées. Les populations de ces régions n’ont pas la possibilité d’accéder aux soins de pointe et aux meilleurs soins disponibles – ce qu’offrent la recherche en santé et les essais cliniques – dans la même mesure que les populations des zones urbaines.

Si la réorganisation du système fédéral de soutien à la recherche ne donne pas aux organisations de soins de santé un accès direct et égal au financement fédéral de la recherche et de l’innovation ou si elle apporte des modifications qui exacerbent la situation actuelle, cela ne fera qu’accroître les inquiétudes de la communauté de la recherche en santé qui craint que la recherche en santé perde en visibilité, en importance et en financement dans le cadre de cette réorganisation.

La réorganisation doit veiller à ce que les instituts de recherche en santé et les organisations de soins de santé aient un accès direct et égal à tous les programmes fédéraux de recherche et innovation. Ces instituts et organisations doivent être expressément répertoriés comme des organisations autonomes admissibles au financement, étant donné que c’est là que la majorité de la recherche en santé est menée au Canada.

8. Mieux soutenir l’application des connaissances, la mise en œuvre et la commercialisation de la recherche en santé

Le Canada peine actuellement à appliquer, à mettre en œuvre et à commercialiser la recherche en santé. Les chercheurs qui travaillent dans le système de santé sont les personnes qui utilisent les résultats de la recherche et les appliquent dans les soins qu’ils prodiguent aux patients – une autre raison pour laquelle il est si important qu’ils aient accès au financement fédéral.

La réorganisation du système fédéral de soutien à la recherche est l’occasion de mieux soutenir l’application des connaissances, les communications, la mise en œuvre et la commercialisation dans le secteur de la santé. Cela doit inclure le soutien nécessaire pour assurer la pérennité de ces innovations et de ces nouveaux modèles de soins après leur mise en œuvre.

9. La réorganisation du système fédéral de soutien à la recherche doit être financée et s’inscrire dans le cadre d’efforts de transformation plus vastes

La modification du modèle de gouvernance n’est qu’un élément de la transformation beaucoup plus vaste du système fédéral de soutien à la recherche qu’il faut opérer pour mieux positionner l’écosystème de la recherche du Canada sur la voie de la réussite. Si le gouvernement fédéral modifie la gouvernance sans apporter d’autres changements au système, les changements à la gouvernance ne suffiront pas à eux seuls à relever les défis plus vastes et immédiats auxquels sont confrontés les chercheurs en santé et la communauté canadienne de la recherche.

La création de l’organisme-cadre de financement de la recherche offre une occasion unique de renforcer la recherche stratégique multidisciplinaire au Canada. Cela suppose notamment de centrer l’approche du Canada sur une recherche interdisciplinaire axée sur une mission, y compris avec des partenaires internationaux.

La création de l’organisme-cadre de financement de la recherche offre également une occasion de lever les obstacles de longue date qui nuisent à la collaboration, par exemple lorsqu’il s’agit de partager des données ou des échantillons biologiques entre des provinces et territoires. Ces changements concordent avec le mandat de l’organisme-cadre de financement de la recherche de mieux coordonner et de rationaliser le système fédéral de la recherche, ainsi que de favoriser les partenariats internationaux, puisque ces changements feront du Canada un partenaire plus attrayant pour d’autres pays.

Le gouvernement fédéral indique qu’il vise à ce que la réorganisation du système fédéral de soutien à la recherche s’effectue à coût neutre. SoinsSantéCAN est d’avis que ce ne sera pas possible à court terme. Les expériences d’autres juridictions qui ont entrepris de tels changements, comme le Québec, ont nécessité une augmentation du financement pour mettre la réorganisation en œuvre et pour mener à bien les activités qui faisaient partie du nouveau mandat, comme la recherche axée sur une mission.

Même à plus long terme, les expériences menées dans d’autres juridictions portent à croire que les économies de coûts ne sont pas les principaux avantages découlant de la réorganisation; ces juridictions ont plutôt constaté que la réorganisation avait amélioré l’organisation du travail et l’interconnectivité, ce qui avait créé de la valeur pour la communauté de la recherche.

Il est essentiel que le gouvernement fédéral tienne compte du coût de la mise en œuvre de la réorganisation proposée du système fédéral de soutien à la recherche et qu’il finance le processus en conséquence. Cette réorganisation est une initiative majeure et pluriannuelle qui ne peut pas être financée à même les budgets actuels des trois conseils fédéraux subventionnaires de la recherche.

10. La structure et la composition de l’organisme-cadre de financement de la recherche doivent soutenir au mieux l’excellence de la recherche canadienne

La structure et la composition de l’organisme-cadre de financement de la recherche sont cruciales pour la réussite de la réorganisation du système fédéral de soutien à la recherche. SoinsSantéCAN recommande que la personne appelée à diriger l’organisme-cadre de financement de la recherche soit un scientifique respecté, responsable de l’orientation stratégique de la science, de la recherche et de l’innovation au Canada. Cette personne travaillera avec des partenaires et des parties prenantes de l’ensemble de la communauté scientifique, y compris les organisations de soins de santé et les partenaires patients, pour atteindre cet objectif.

La nomination ne doit pas être politique et la personne devra être choisie selon un processus indépendant rigoureux. Ce processus est crucial pour la réussite à long terme de l’organisation et notamment pour assurer que la communauté de la recherche, les partenaires et le grand public aient la plus grande confiance envers l’institution et la recherche canadienne.

11. Mettre en place le Conseil sur les sciences et l’innovation et veiller à ce qu’il soutienne au mieux l’excellence de la recherche canadienne

En plus d’établir l’organisme-cadre de financement de la recherche, le budget de 2024 comprend un engagement à créer un Conseil consultatif sur les sciences et l’innovation. Ce Conseil devrait être mis en place le plus tôt possible en tenant compte de son interaction avec l’organisme-cadre de financement de la recherche.

En ce qui concerne la composition du Conseil sur les sciences et l’innovation, SoinsSantéCAN encourage vivement le gouvernement fédéral à inclure au moins un chercheur en santé qui travaille actuellement dans un institut de recherche en santé, un hôpital, une autorité sanitaire ou une organisation de soins de santé comme membre du Conseil.

Nous sommes d’avis que le Conseil ne peut être un organisme entièrement dirigé par le gouvernement comme c’est le cas avec le Comité de coordination de la recherche au Canada (CCRC). La communauté de la recherche et les partenaires du gouvernement fédéral doivent se reconnaître dans le Conseil pour favoriser l’adhésion et l’atteinte de ses objectifs.

SoinsSantéCAN recommande une représentation égale des trois domaines de recherche représentés par les trois conseils fédéraux subventionnaires de la recherche, ainsi qu’une représentation égale des différents types d’organisations qui mènent la recherche (p. ex., les instituts de recherche en santé, les établissements d’enseignement postsecondaires, le secteur privé, le secteur public, etc.). Le Conseil devrait être composé de chercheurs, d’entrepreneurs et d’innovateurs visionnaires. Il devrait également intégrer les points de vue de chercheurs à tous les niveaux de carrière, y compris des étudiants et des stagiaires.

Selon l’approche décrite ci-dessus, l’orientation de la science, de la recherche et de l’innovation du Canada serait éclairée par une diversité de perspectives. Cette approche assurerait notamment la représentation de personnes « sur le terrain » qui bien souvent n’ont pas de liens étroits avec les décideurs gouvernementaux, mais qui ont pourtant de l’expérience et qui connaissent bien les défis qui se posent pour la science, la recherche et l’innovation au Canada, ainsi que les possibilités qui s’offrent à elles.

AUTRES CONSIDÉRATIONS

En présentant ce mémoire, SoinsSantéCAN aimerait porter deux autres points à l’attention du gouvernement.

Premièrement, nous saluons la volonté du gouvernement fédéral d’aller de l’avant avec la mise en œuvre des engagements du budget de 2024 relatifs à la recherche et à l’innovation de manière à ce que ces changements puissent être inclus dans l’énoncé économique de l’automne et nous nous en réjouissons. Toutefois, la courte période de consultation ne favorise pas le plus grand engagement que le ministre de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie et le ministre de la Santé ont demandé aux présidents des trois conseils fédéraux subventionnaires de la recherche dans la lettre qu’ils leur ont adressée. Une consultation d’un mois ne permet pas de consulter de manière significative l’ensemble des partenaires importants dans le domaine de la recherche en santé, y compris les partenaires des Premières Nations, des Inuits et des Métis et les partenaires patients.

Il est préoccupant de constater que les voix de nombreux groupes importants ne seront peut-être pas prises en compte dans la réorganisation du système fédéral de la recherche. Cela est particulièrement inquiétant compte tenu des incidences de la recherche en santé sur ces groupes, de l’importance du changement proposé et du fait que ce changement est réclamé depuis longtemps, notamment par le Comité consultatif sur le système fédéral de soutien à la recherche dans son rapport présenté au gouvernement fédéral il y a déjà plus d’un an et demi. SoinsSantéCAN encourage le gouvernement fédéral à considérer cette période d’engagement comme la première d’une série continue de consultations pour orienter ce travail au fur et à mesure de son avancement.

Deuxièmement, SoinsSantéCAN sait que le gouvernement fédéral, nommément par l’entremise d’Innovation, Science et Développement économique Canada (ISDE) et de Santé Canada, planifie déjà soigneusement la transition du système actuel vers le système futur, mais il est important de réitérer la nécessité de s’assurer qu’il n’y ait pas d’interruption des programmes actuels de financement de la recherche. Alors que cette transition s’amorcera à l’automne et que d’autres changements se produiront au cours des mois et années à venir, SoinsSantéCAN encourage le gouvernement fédéral à rester transparent avec ses partenaires, à continuer de communiquer avec eux et de les consulter et à prévoir des périodes de consultation plus longues pour tout autre changement éventuel.