Mémoire présenté au gouvernement fédéral dans le cadre de la Consultation sur la puissance de calcul pour l’intelligence artificielle (IA)

INTRODUCTION

SoinsSantéCAN est la voix pancanadienne d’appel à l’action des hôpitaux, des autorités sanitaires et des organisations de soins de santé et de recherche en santé du Canada. Nous plaidons en faveur de la recherche et de l’innovation en santé et d’un meilleur accès à des services de santé de grande qualité pour toute la population canadienne et nous habilitons les professionnels de la santé par nos programmes d’apprentissage de premier ordre.

SoinsSantéCAN se réjouit de l’occasion qui lui est donnée de participer à la consultation sur la puissance de calcul pour l’intelligence artificielle (IA) du gouvernement fédéral.

SoinsSantéCAN est déterminée à faire progresser le rôle de chef de file du secteur canadien de la santé en matière d’IA et cherche à contribuer à l’élaboration de stratégies d’IA qui stimuleront l’innovation, amélioreront la prestation des soins de santé et renforceront la position du Canada dans le paysage mondial de l’IA. Consciente de l’importance de l’IA dans la transformation du secteur des soins de santé, SoinsSantéCAN vise à s’assurer que les initiatives canadiennes d’IA correspondent aux besoins des prestataires de soins de santé et des patients.

SoinsSantéCAN, en collaboration avec ses membres, en particulier son Comité des vice-présidents de la recherche en santé (VPRS) dont les membres proviennent d’organisations de la santé de tout le Canada, a identifié plusieurs éléments à prendre en compte par le gouvernement fédéral alors qu’il va de l’avant pour assurer l’avantage de l’IA au Canada.

Demande de ressources de puissance de calcul pour l’IA dans le système de santé

L’IA a le potentiel de transformer et d’améliorer la prestation des soins de santé pour les prestataires et les patients, ce qui mène à de meilleurs résultats en santé. Les domaines pour lesquels la demande de ressources améliorées de puissance de calcul pour l’IA est forte comprennent les données d’imagerie, la pathologie et l’analyse prédictive, où le volume et la complexité des données font de l’IA un outil inestimable pour améliorer les diagnostics et la prise de décision.

La demande pour des ressources de puissance de calcul pour l’IA dans le système de santé du Canada est substantielle, mais la réussite de la mise en œuvre de l’IA dans les soins de santé dépend d’abord de l’amélioration des infrastructures de base.

Pour optimiser le potentiel de l’IA dans le secteur de la santé, il est essentiel d’assurer l’interopérabilité des systèmes de dossiers médicaux électroniques (DME) entre les établissements et dans tout le pays, ou à tout le moins de normaliser les modèles de données et les cadres juridiques pour l’accès aux données de santé. Les organisations de soins de santé continuent de souligner les inefficacités causées par la fragmentation actuelle des systèmes de DME dans les établissements, les provinces et les territoires, qui empêchent l’utilisation de la technologie de l’IA. Pour y remédier, il est essentiel d’établir des normes d’interopérabilité claires et des spécifications obligatoires pour les systèmes de DME afin d’assurer l’accessibilité et l’utilisabilité des dossiers médicaux aux fins des applications d’IA dans l’ensemble du pays.

Selon les commentaires de nos organisations membres, les besoins actuels en matière de ressources de puissance de calcul pour l’IA sont les suivants :

  • HPC4Health (puissance de calcul à haute performance pour la santé) : Un consortium de prestataires de soins de santé qui offre un système de calcul à haute performance certifié pour stocker des données personnelles sur la santé, conçu spécialement pour la recherche clinique.
  • Institut de recherche ou faculté : Un institut ou une faculté ayant des affiliations avec des instituts de recherche en IA qui peut avoir accès à l’infrastructure de puissance de calcul à haute performance de l’institut.
  • Services infonuagiques commerciaux : des ressources de puissance de calcul disponibles par l’entremise des principaux fournisseurs infonuagiques, comme Microsoft, Google et Amazon.
  • Alliance de recherche numérique du Canada (ARNC) : une infrastructure nationale de puissance de calcul à haute performance utilisée pour les analyses informatiques lourdes. Ces sites ne traitent pas de données sensibles.

Les principaux défis des membres de SoinsSantéCAN concernant l’accès à des ressources de puissance de calcul sont les suivants :

  • Accès accru à des serveurs de processeurs graphiques (GPU) : Il y a un besoin urgent de plus de GPU qui sont étroitement intégrés aux ensembles de données des hôpitaux.
  • Conformité aux normes des hôpitaux : Les ressources de puissance de calcul doivent satisfaire aux normes des hôpitaux, y compris en ce qui concerne la couverture de la cyberassurance des hôpitaux pour les renseignements de santé personnels. Les instances infonuagiques fournies et gérées par l’hôpital doivent respecter les mêmes mesures de sécurité que le matériel sur place.
  • Protection et conservation des données : Les organisations de soins de santé sont responsables de la protection des données. Par conséquent, tout système mis en œuvre doit permettre une isolation et un contrôle complets des ressources en créant des « locataires » distincts pour chaque établissement.
  • Coût de l’informatique en nuage : Le coût d’utilisation des ressources informatiques en nuage est une préoccupation importante.
  • File d’attente pour les ressources partagées : Les chercheurs sont souvent confrontés à des retards lorsqu’ils attendent d’accéder à des ressources de puissance de calcul à haute performance.

Le système de santé doit prioriser les investissements dans une solide infrastructure de technologies de l’information (TI), y compris des services de TI dotés d’un personnel adéquat, des réseaux mis à jour et des DME fonctionnels. En renforçant cette capacité fondamentale, le Canada peut soutenir l’adoption de l’IA dans les divers milieux de soins de santé, ce qui améliorera en fin de compte les résultats pour les patients et l’efficacité du système.

Les membres de SoinsSantéCAN ont déterminé que pour faire croître leurs activités à une plus grande échelle ou mener de la recherche, ils doivent avoir accès à :

  • de grands serveurs GPU, avec un minimum de GPU Nvidia A100;
  • une capacité de stockage substantielle avec un stockage à l’échelle du pétaoctet;
  • des entrées/sorties rapides entre le stockage et le calcul.

Pour répondre aux besoins d’infrastructure, les programmes et mécanismes de soutien existants qui suivent pourraient être exploités :

  • Les crédits de recherche sur les nuages commerciaux offrent une solution viable à court terme pour accéder aux ressources de puissance de calcul, bien que leur disponibilité soit limitée dans le temps.
  • Les solutions de puissance de calcul hybrides seraient avantageuses, car elles permettent d’utiliser une combinaison de ressources sur place et en nuage pour permettre un « éclatement du nuage » qui peut être efficace – lorsque les tâches de puissance de calcul sont déchargées vers le nuage parce que l’infrastructure locale atteint sa capacité.
  • Les programmes de recherche actuels ne peuvent pas financer suffisamment la puissance de calcul à haute performance dans les hôpitaux, ce qui rend difficile l’obtention de ressources et de financements par le biais des subventions des Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC).

Pour soutenir l’accès à la puissance de calcul pour l’IA à court terme, il y aurait lieu de considérer les nouvelles approches suivantes :

  • Établir des ententes avec les fournisseurs infonuagiques afin d’obtenir des crédits de recherche pour les universités. Ces crédits devraient être utilisés dans des locaux privés qui satisfont aux normes de sécurité des hôpitaux.
  • Collaborer avec les fournisseurs infonuagiques pour garantir la disponibilité et la maintenabilité des ressources, ainsi que l’accès aux outils logiciels et aux fonctionnalités essentiels (par exemple, les stratégies d’éclatement du nuage, les stratégies à multiples nuages). Cette approche permet de relever divers défis, liés notamment au besoin de maintenance, d’outils logiciels et de personnel technique spécialisé et aux coûts élevés associés à la création et au renouvellement de grands systèmes de puissance de calcul et de stockage, qui ont un cycle de vie court et sont souvent situés dans des zones coûteuses.
Niveau et cohérence de la demande pour des ressources de puissance de calcul pour l’IA dans le système de santé

La demande pour des ressources de puissance de calcul pour l’IA dans le système de santé est importante et en croissance rapide, en particulier dans des domaines critiques tels que l’imagerie médicale, la pathologie et la documentation clinique. Ces domaines génèrent de grandes quantités de données, ce qui en fait des candidats idéaux pour les innovations basées sur l’IA visant à améliorer la précision des diagnostics, la prise de décision et l’efficacité globale de la prestation des soins de santé. Cette demande croissante met en évidence le besoin urgent d’une infrastructure de puissance de calcul souveraine et sécurisée en mesure de répondre aux besoins actuels et futurs des soins de santé, alors que la numérisation des flux de travail cliniques et l’intégration d’outils d’IA se généralisent de plus en plus.

Cependant, le degré de préparation des organisations de soins de santé à l’adoption et à la mise en œuvre des technologies de l’IA varie considérablement. Pour remédier à ce manque d’uniformité, il est essentiel de renforcer les capacités dans l’ensemble du système de santé en veillant à ce que toutes les organisations aient accès à des ressources de puissance de calcul robustes, de propriété canadienne et qui répondent à des normes rigoureuses en matière de protection de la vie privée et de sécurité. Les membres de SoinsSantéCAN ont mis l’accent sur les avantages d’une infrastructure canadienne, notamment les coûts subventionnés et contrôlés, le respect des lois locales sur la protection de la vie privée, l’amélioration de la sécurité et de la fiabilité, et la possibilité d’exploiter des sources d’énergie renouvelable. De plus, il est nécessaire de mettre en place des mécanismes exhaustifs de formation et de soutien pour doter les professionnels et les organisations de la santé des compétences et des infrastructures nécessaires pour tirer pleinement parti des technologies de l’IA et permettre ainsi une adoption cohérente et durable de l’IA dans l’ensemble du système de santé.

Les membres de SoinsSantéCAN ont identifié plusieurs possibilités d’incorporer du matériel et des logiciels de calcul fabriqués au Canada dans le cadre de la Stratégie du Canada sur une puissance de calcul souveraine pour l’IA, y compris :

  • Un meilleur contrôle du déploiement, de la surveillance et des mises à jour, en particulier lors de l’accès à des renseignements sensibles et confidentiels.
  • La création d’emplois pour renforcer, gérer et maintenir l’infrastructure.
  • Bien qu’il soit difficile de rivaliser avec les grands fabricants comme Nvidia, Intel et AMD, il pourrait y avoir des possibilités de développement de puces dans le domaine des circuits intégrés à application spécifique (ASIC) et des réseaux de portes programmables sur site (FPGA) pour la création de processeurs spécialisés, tels que les unités de traitement tensoriel (TPU).

En ce qui concerne l’attraction et la rétention des talents en IA au Canada, les membres de SoinsSantéCAN ont fait part de la nécessité de :

  • Soutenir un meilleur accès aux ressources de puissance de calcul pour qu’un plus grand nombre de talents en IA restent au Canada, car les professionnels actuels de l’IA ont besoin d’une infrastructure fiable pour soutenir leur travail.
  • Relever le défi du recrutement et de la rétention des talents en milieu universitaire, où les normes de rémunération sont souvent inférieures aux salaires de l’industrie.
  • Envisager des options de rémunération non salariale, comme la fourniture d’un logement ou la création de campus dédiés pour soutenir le recrutement et la rétention des talents.
  • Développer des ensembles de données uniques et multimodales connectées à des ressources de puissance de calcul innovantes (p. ex., les GPU, les RAM rapides, le stockage, les unités centrales de traitement).
  • Incorporer une formation à l’accès à la puissance de calcul et favoriser les partenariats industriels dans les programmes de formation pour développer l’expertise dans les écosystèmes de données et les environnements spécialisés, en particulier dans le domaine des soins de santé.

Les modèles de collaboration qui permettraient de soutenir les partenariats entre l’industrie et les universités comprennent notamment :

  • Le développement de voies de commercialisation spécifiques à l’IA, y compris des ententes sur la propriété intellectuelle et le transfert de données.
  • La mise en œuvre d’une stratégie de co-commercialisation qui accorde la priorité aux avantages pour le public et les patients.
  • La définition claire de lignes directrices relatives aux renseignements personnels de santé et aux conflits d’intérêts, semblables à celles des lignes directrices de Santé Canada.
  • Les partenariats avec les fournisseurs infonuagiques commerciaux pour doter le Canada de matériel et de logiciels.
  • L’utilisation du modèle HPC4Health, dans lequel des équipes centrales gèrent le matériel partagé entre les hôpitaux, tandis que les établissements individuels conservent le contrôle des logiciels, de la configuration et de la sécurité pour assurer la conformité aux normes des hôpitaux.
Quel type de modèle ou de stratégie servira le mieux le système de santé ou les organisations de soins de santé?

Bien que tous les modèles seraient bénéfiques pour répondre aux besoins immédiats dans le cadre du développement d’une infrastructure à long terme, SoinsSantéCAN et ses membres proposent que le modèle ou la stratégie optimale pour servir le système de santé et les organisations de soins de santé consiste à se concentrer sur l’investissement dans le développement d’une infrastructure robuste et sécuritaire.

Plus précisément, nous recommandons un modèle dans lequel les fonds gouvernementaux sont consacrés à la mise en place de ressources de puissance de calcul évolutives et conformes aux normes des hôpitaux. Cette approche assure la création d’une infrastructure à haute performance, de propriété canadienne qui peut traiter en toute sécurité des renseignements personnels de santé sensibles. En accordant la priorité au développement d’une infrastructure à long terme, nous pouvons réaliser des améliorations immédiates et durables des ressources de puissance de calcul qui correspondent aux besoins uniques et aux exigences de sécurité du secteur des soins de santé.

Infrastructure de puissance de calcul à plus long terme

Pour investir dans l’infrastructure de puissance de calcul nationale, il faudra équilibrer les priorités et répondre aux besoins des différentes parties prenantes dans l’écosystème de l’IA. Les membres de SoinsSantéCAN ont souligné l’importance cruciale de bien comprendre les exigences uniques des différents acteurs de l’industrie et de la communauté de la recherche pour s’assurer que les solutions mises en œuvre ont un impact durable et positif.

Au cours des cinq prochaines années, les composantes ou les éléments prioritaires d’une infrastructure nationale de puissance de calcul pour l’IA sont les suivants :

  • Assurer un accès en temps voulu à des ressources de puissance de calcul robustes et évolutives.
  • Mettre en place des solutions de stockage de données efficaces pour traiter de grands volumes de données, fournir un accès rapide et assurer l’intégrité des données.
  • Veiller à ce que l’infrastructure puisse traiter en toute sécurité des renseignements confidentiels et sensibles, comme les renseignements personnels en santé. Les hôpitaux de recherche devraient avoir un accès direct aux ressources de puissance de calcul pour maintenir les normes de sécurité.
  • Investir dans des programmes d’éducation et de formation pour développer une main-d’œuvre qualifiée, en mesure de faire avancer l’IA et de soutenir l’infrastructure nécessaire.
  • Donner l’accès à des outils logiciels qui favorisent le développement de modèles d’IA, la formation, le déploiement et le suivi. Ces outils devraient faciliter la collaboration entre les chercheurs et les développeurs.