Mémoire présenté au Comité permanent de la science et de la recherche: Étude sur la répartition du financement du gouvernement fédéral entre les établissements postsecondaires du Canada

INTRODUCTION

SoinsSantéCAN est le porte-parole national des instituts de recherche en santé, des hôpitaux et des organisations de soins de santé du Canada. Nous plaidons en faveur de la recherche et de l’innovation en santé et d’un meilleur accès à des services de santé de grande qualité pour toute la population canadienne, et nous habilitons les professionnels de la santé par nos programmes d’apprentissage de premier ordre. Nous nous réjouissons de l’occasion qui nous est offerte de présenter ce mémoire au Comité permanent de la science et de la recherche dans le cadre de son étude sur la répartition du financement du gouvernement fédéral entre les établissements postsecondaires du Canada. Nous serons également heureux de comparaître devant le comité pour apporter des précisions sur les points énoncés ci-dessous.

La grande majorité de la recherche en santé au Canada est menée dans les instituts de recherche en santé et les organisations de soins de santé, petites et grandes, à la grandeur du pays et pas seulement dans les établissements postsecondaires. La recherche et l’innovation menées par les chercheurs des instituts de recherche et des organisations de soins de santé favorisent une amélioration des résultats en santé, la prestation de meilleurs soins et la transformation du système de santé. La recherche et l’innovation en santé contribuent largement à l’économie et à la productivité du Canada du fait qu’elles améliorent la santé des personnes, ce qui leur permet de mieux contribuer à la société et à l’économie. Elles donnent aussi naissance à des entreprises qui commercialisent les innovations, qui deviennent d’importants chefs de file mondiaux et qui apportent une importante contribution à l’économie du Canada.

Or, malgré le rôle crucial que jouent les instituts de recherche en santé et les organisations de soins de santé dans l’écosystème de la recherche en santé et l’économie du Canada, ils ne peuvent avoir un accès direct à la plupart des financements fédéraux de la recherche et des infrastructures connexes.

La plupart des financements fédéraux de la recherche ne couvrent pas le plein coût de la recherche, notamment les frais généraux, de sorte que moins d’argent est consacré à la science puisque les subventions de recherche doivent couvrir les coûts des installations, des services publics et des salaires des employés, y compris les stagiaires en recherche.

Cette situation nuit à la capacité des instituts de recherche et des organisations de santé de mener de la recherche de pointe qui mène à une amélioration des soins aux patients, à la prestation de soins de santé transformationnels, à la formation de la prochaine génération de chercheurs et de prestataires des soins et à la création de la prochaine innovation canadienne en matière de soins de santé ou à la réussite mondiale d’une entreprise des sciences de la vie.

Le présent mémoire présente les considérations et les recommandations relatives à la répartition du financement du gouvernement fédéral des soins de santé entre les établissements postsecondaires du Canada, ainsi que les modifications nécessaires pour que toutes les institutions qui œuvrent dans la recherche au Canada soient traitées équitablement.

RECOMMANDATIONS
Offrir aux organisations de soins de santé un accès direct au financement fédéral

Les organisations qui mènent de la recherche de pointe et qui développent des innovations transformatrices, comme les instituts de recherche en santé et les organisations de soins de santé, devraient pouvoir accéder directement à tous les fonds fédéraux qui soutiennent la recherche et l’innovation. Elles devraient pouvoir rivaliser sur un pied d’égalité avec les établissements postsecondaires, le secteur privé et d’autres acteurs pour obtenir des fonds de recherche fédéraux, ce qui assurerait le financement des meilleures idées de recherche.

Ces dernières années, les nouveaux programmes fédéraux de recherche, d’innovation et d’infrastructure ont établi des critères qui empêchent souvent les instituts de recherche en santé et les organisations de soins de santé de demander un financement. Par exemple, alors que les instituts de recherche en santé et les hôpitaux peuvent demander directement un financement aux Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC), ils doivent passer par leurs universités affiliées pour présenter des demandes à la plupart des autres organismes et programmes fédéraux de recherche et d’innovation, notamment la Fondation canadienne pour l’innovation (FCI), le Fonds de soutien à la recherche, le Programme des chaires de recherche du Canada, Mitacs et d’autres encore. Plus récemment, l’initiative des Supergrappes d’innovation du gouvernement fédéral et le Fonds stratégique pour l’innovation (FSI), à l’exception du volet 4, sont des initiatives menées par le secteur privé.

De nombreux instituts de recherche en santé entretiennent de bonnes relations avec leurs universités affiliées, mais ce processus désavantage les instituts de recherche en santé et les organisations de soins de santé, puisque les universités, qui ont leurs propres priorités de recherche, décident au bout du compte des projets pour lesquels elles demanderont du financement. Cette approche empêche également les nouveaux instituts de recherche en santé – les organisations de soins de santé qui ne sont pas affiliées à une université – de demander du financement dans le cadre de ces programmes. Ce modèle illustre une mauvaise compréhension de notre secteur et de l’écosystème canadien de la recherche en santé. Les demandes de subvention à des programmes fédéraux de recherche et d’innovation des instituts de recherche en santé et des organisations de soins de santé ne devraient pas dépendre des priorités des universités.

Cette situation désavantage également les instituts de recherche en santé et les organisations de soins de santé par rapport à l’industrie qui a un accès direct à ces occasions de financement. Par conséquent, les recherches prometteuses ne progressent pas et les possibilités d’application et de commercialisation des recherches effectuées par les instituts de recherche en santé – où sont menées la majorité des recherches en santé au Canada – sont moins nombreuses. Enfin, cette situation désavantage également les patients de ces institutions et l’ensemble de la population canadienne qui pourraient bénéficier de ces percées médicales.

Recommandation 1 : Veiller à ce que le financement atteigne le secteur de la santé en donnant aux organisations de soins de santé, comme les instituts de recherche, les hôpitaux, les autorités sanitaires et les établissements de soins de longue durée, un accès direct et égal à tous les programmes fédéraux de financement de la recherche et de l’innovation. 

Couvrir la totalité des coûts de la recherche

Alors que l’investissement gouvernemental est généralement la principale source de financement de la recherche en santé, en particulier de la science menée par des chercheurs, ce financement ne couvre pas la totalité des coûts de la recherche. Les coûts reliés aux installations et à l’administration –appelés parfois les coûts indirects – qui sont nécessaires pour soutenir l’entreprise de recherche ne sont que partiellement couverts par le financement fédéral disponible. Cette situation désavantage particulièrement les petites institutions qui n’ont pas les ressources pour combler l’écart.

Selon les renseignements recueillis par SoinsSantéCAN auprès de ses membres, il appert que le niveau de couverture actuel de ces coûts est d’environ 20 pour cent. C’est beaucoup moins que le remboursement de 40 à 60 pour cent de ces coûts dont bénéficient les chercheurs canadiens dans le cadre de programmes de financement américains. Les programmes de financement du Royaume-Uni couvrent quant à eux 80 pour cent de la totalité des coûts de la recherche, de sorte que les établissements en assument 20 pour cent. Au Canada, on estime que les instituts de recherche en santé, les organisations de soins de santé, leurs fondations, la philanthropie et la collecte de fonds couvrent une proportion de plus en plus grande de ces coûts – jusqu’à 40 pour cent, voire plus, dans certaines institutions.

Les chercheurs qui n’ont pas accès à du financement pour couvrir la totalité des coûts de la recherche, y compris pour verser des salaires concurrentiels au personnel de laboratoire et aux stagiaires, ou pour acheter et entretenir des équipements, sont freinés dans leur entreprise de recherche, ce qui peut amener des personnes talentueuses à quitter le Canada ou à décider de ne pas poursuivre une carrière dans la recherche. Au bout du compte, ce sont les citoyens canadiens et leur santé qui en souffrent, parce que la recherche prometteuse ne peut être menée au Canada.

Recommandation 2 : Accroître le financement par l’intermédiaire des programmes fédéraux, notamment par l’intermédiaire des trois conseils subventionnaires et du Fonds de soutien à la recherche, pour prendre en charge une plus grande proportion de la totalité des coûts de la recherche en santé, y compris les salaires des chercheurs et les coûts d’exploitation de l’infrastructure de la recherche.

Plaider en faveur des instituts de recherche en santé

La recherche en santé est souvent menée dans de grands instituts de recherche en santé, mais il reste tout de même des possibilités et des besoins considérables pour de la recherche en santé menée dans des instituts de recherche en santé émergents, des hôpitaux et des autorités sanitaires.

Lorsque ces institutions sont soutenues et qu’elles peuvent prospérer, la communauté, les patients, les membres du personnel et les institutions elles-mêmes en retirent des avantages importants. Elles peuvent notamment combler des lacunes dans les connaissances, se concentrer sur les besoins particuliers de leur communauté et fournir des services de santé spécialisés aux populations qu’elles desservent, comme celles des communautés rurales et nordiques qui n’ont peut-être pas accès à des grands centres de santé et centres universitaires. De même, ce soutien aide ces organisations à desservir des groupes de population qui ont peut-être de piètres résultats en santé en raison de facteurs sociodémographiques, comme les personnes qui appartiennent à des minorités linguistiques, les Autochtones et les personnes âgées.

Le système de soutien à la recherche du Canada doit mieux aider les instituts de recherche en santé émergents à promouvoir la participation des chercheurs vivant en milieu rural et éloigné et des chercheurs autochtones dans la recherche en santé. Cette mesure favorisera une plus grande diversité parmi les chercheurs et les questions de recherche, et améliorera la prestation des soins à ces populations. Pour y parvenir, il faudra d’abord améliorer les infrastructures en dehors des grands centres et recruter des chercheurs et des cliniciens-chercheurs dans les organisations de santé communautaires, comme les hôpitaux communautaires. À cette fin, il devra y avoir un effort concerté par l’intermédiaire des soutiens fédéraux à la recherche pour soutenir les instituts de recherche en santé émergents et s’efforcer de répondre à leurs besoins.

Au bout du compte, les investissements fédéraux doivent atteindre un équilibre entre l’important soutien aux instituts de recherche en santé émergents, d’une part, et la prise en compte de la concurrence internationale, ainsi que de l’impact et du rendement pour le Canada et sa population qui découlent de la concentration du financement et de l’expertise dans les grands centres, d’autre part. Le Canada n’a pas à choisir l’un ou l’autre; il doit faire les deux.

Recommandation 3 : Réserver une partie du financement fédéral de la recherche pour les instituts de recherche émergents afin de soutenir a) la croissance des instituts de recherche dans les communautés rurales, éloignées, nordiques et autochtones et b) les projets de recherche des chercheurs qui travaillent en milieu rural, éloigné et nordique ainsi que des chercheurs des Premières Nations, inuits et métis.

Recommandation 4 : Élaborer des programmes de financement spécifiques pour les instituts de recherche émergents, la recherche menée dans des communautés rurales et éloignées et la recherche menée par des chercheurs des Premières Nations, inuits et métis.

Soutenir le travail crucial des cliniciens-chercheurs

Les cliniciens-chercheurs sont des praticiens cliniques, généralement des médecins, qui suivent une formation clinique et une formation en recherche et qui, en plus de traiter des patients, consacrent une grande partie de leur carrière à la recherche. En raison de leur double rôle, ils sont essentiels pour repousser les limites des preuves cliniques existantes et pour contribuer à l’application des résultats de la recherche dans le système de santé.

Les cliniciens-chercheurs jouent un rôle clé pour transposer les résultats de la recherche en santé dans la pratique et pour tirer parti des découvertes de la recherche afin de résoudre des problèmes sociétaux urgents – un domaine dans lequel le Canada doit faire mieux.

Les cliniciens-chercheurs jouent un rôle important dans les écosystèmes de la santé et de la recherche, mais ils doivent relever de nombreux défis pour atteindre et conserver ce statut. Ils doivent notamment obtenir du financement pour la formation et la recherche et se garder du temps pour mener leurs travaux de recherche alors que la demande de services cliniques augmente sans cesse dans un contexte de pénurie de personnel de la santé. Tous ces facteurs contribuent à rendre le cheminement de carrière du clinicien-chercheur de moins en moins réalisable.

La capacité de mener des recherches en parallèle avec le travail clinique est une opportunité attrayante pour les médecins et les organisations de santé la font valoir dans leurs efforts de recrutement de médecins. Les organisations de santé assument ce coût financier supplémentaire dans le but d’assurer la disponibilité des services de santé pour les communautés qu’elles desservent. Compte tenu de la demande en ce domaine, le gouvernement fédéral devrait accorder des soutiens additionnels pour les postes de cliniciens-chercheurs afin de combler le fossé entre la recherche en santé et la pratique clinique et de contribuer à remédier aux pénuries de personnel de santé.

Recommandation 5 : Augmenter le soutien fédéral aux cliniciens-chercheurs et valoriser leur rôle unique et leur capacité d’établir des liens entre la recherche et la découverte d’une part et les patients et le système de santé d’autre part.