Le 15 mars 2023
Par: Paul-Émile Cloutier et le Dr David Hill
Au cours des dernières semaines, nous avons entendu de nombreuses discussions sur la façon dont l’augmentation de fonds du fédéral aux gouvernements provinciaux et territoriaux améliorera – ou pas – les soins de santé pour les Canadiens. Au-delà des spéculations, on oublie à quel point il est urgent pour le Canada d’investir dans la recherche en santé, à commencer dans le budget fédéral du 28 mars.
Un meilleur système de santé nécessitera de meilleurs diagnostics, de meilleurs traitements, de meilleurs vaccins – une science de meilleure qualité et plus complète dans de nombreux domaines. Alors que les nouvelles technologies augmentent la capacité de dispenser des soins de santé qui sauvent et améliorent la vie, le gouvernement fédéral sous-investit gravement dans l’écosystème de recherche en santé de notre pays composé d’hôpitaux de recherche et d’universités, ce qui à son tour stimule les investissements du secteur privé.
Les résultats en matière de santé dépassent de loin les attentes des décennies précédentes. Les interventions pour les maladies cardiaques, le diabète de type 2 et de nombreux autres troubles rendus possibles grâce à la disponibilité de médicaments et d’appareils innovants permettent aux personnes qui auraient autrefois souffert d’une maladie débilitante ou même mortelle de profiter aujourd’hui d’une meilleure qualité de vie et de continuer à contribuer à la main-d’œuvre et la société.
Ce genre de solutions et d’autres encore sont les retombées d’un investissement planifié et durable dans la recherche en santé. Les travaux novateurs des chercheurs canadiens étaient d’une importance évidente au cours de la pandémie, poussés par le besoin soudain et urgent de traitements, y compris des vaccins, pour lutter contre la COVID-19. C’est la recherche fondamentale menée au Canada qui a aidé à développer les nanoparticules lipidiques qui ont été l’épine dorsale des vaccins à ARNm COVID-19 distribués dans le monde entier. Cette recherche a été menée pendant de nombreuses années grâce à un financement stable qui a permis la continuité des travaux. De nouvelles menaces pour la santé peuvent surgir sans prévenir, comme on l’a vu avec le SIDA, le SRAS, le MERS et plus récemment la COVID-19. Nous devons faire en sorte que les équipes de recherche canadiennes soient prêtes et en place et développer les connaissances fondamentales qui nous permettent de lutter contre ces menaces à mesure qu’elles apparaissent.
Pourtant, malgré d’énormes gains en matière de résultats pour la santé, le gouvernement fédéral a en grande partie gelé ses dépenses dans la recherche libre au cours de la dernière décennie. De 2014-2015 jusqu’à la pandémie de 2020, le budget des Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC) est resté quasiment identique, passant d’environ 1,02 milliard de dollars en 2014-2015 à seulement 1,20 milliard de dollars en 2019-2020. Depuis la pandémie, le financement de base des IRSC pour les subventions à la recherche fondamentale en santé dirigée par des chercheurs n’a connu aucune croissance.
L’écosystème de la recherche en santé du Canada a payé le prix fort pour cette négligence. Partout au pays, les établissements de recherche en santé publique, également connus sous le nom d’hôpitaux de recherche, ont réduit la taille des projets de recherche d’environ 25 % afin de financer davantage de projets. Mais les subventions sont désormais trop modestes pour que les chercheurs puissent mener à bien les recherches prévues pour leurs projets. De plus, étant donné que le montant des subventions détermine les salaires et les allocations des étudiants diplômés et des stagiaires postdoctoraux, ceux-ci ont également été réduits. Ces salaires sont environ 50% inférieurs à ceux offerts dans des institutions américaines de premier plan.
C’est pourquoi le budget de 2023 est si crucial. La très talentueuse communauté de chercheurs du Canada attend un signal fort et clair du gouvernement fédéral indiquant qu’il reconnaît le rôle crucial de la recherche en santé dans l’amélioration des résultats pour la santé des Canadiens. Doubler le financement des IRSC dans le budget de 2023 permettrait aux groupes de recherche de financer entièrement des projets mettant en œuvre des solutions éprouvées au sein du système de santé. De même, les étudiants des cycles supérieurs et les boursiers postdoctoraux pourraient être assurés qu’il existe pour eux des possibilités de carrière au Canada.
De nouveaux investissements fédéraux doivent être engagés dans la recherche en santé de façon urgente et immédiate, envoyant un signal clair aux chercheurs et à la population du Canada que ce gouvernement fédéral valorise la recherche en santé, se soucie des chercheurs en santé et « les soutient ».
Paul-Émile Cloutier est président et chef de la direction de SoinsSantéCAN, le porte-parole national des hôpitaux, des organisations de soins de santé et de la recherche en santé partout au Canada.
Le Dr David Hill est vice-président, directeur de la recherche et scientifique du Lawson Health Research Institute du St. Joseph’s Health Care & London Health Sciences Centre, professeur à la Western University, membre du conseil d’administration de SoinsSantéCAN et coprésident du Comité des vice-présidents de la recherche en santé de SoinsSantéCAN.