Monsieur le Premier Ministre, Madame la Vice-Première Ministre,
Au nom du conseil d’administration de SoinsSantéCAN et de nos membres représentant des instituts de recherche en santé, des hôpitaux et des organismes de soins de santé partout au Canada, nous vous écrivons au terme de plusieurs rencontres avec le gouvernement fédéral pour vous faire part de notre vive inquiétude quant à l’état et à l’orientation de la recherche en santé au Canada, que nous considérons comme une priorité urgente à laquelle il faut s’attaquer.
Les répercussions à long terme sur les soins de santé au Canada seront importantes si le gouvernement du Canada maintient le cap actuel. Nous aimerions vous faire part de nos recommandations, ainsi qu’à vos collègues du Cabinet, dans l’espoir que vous reconnaîtrez qu’il s’agit d’un appel à l’engagement en faveur d’un financement accru et durable de la recherche en santé dans le budget 2023, ce qui est primordial pour préserver la santé des Canadiens et maintenir l’avantage concurrentiel et économique du Canada à l’échelle mondiale.
Nous reconnaissons totalement vos efforts pour améliorer les soins de santé au Canada. Votre gouvernement peut être fier, à juste titre, de l’accord sur les soins de santé qu’il a conclu avec les provinces et les territoires. Les améliorations promises en matière de soins de santé intégrés pour les Canadiens, y compris l’élargissement de l’accès aux services de santé familiale, le soutien aux travailleurs de la santé, l’accès à des services de qualité en matière de santé mentale et de toxicomanie et, particulièrement, la modernisation du système de santé grâce aux données sur la santé et aux outils numériques, constituent une réalisation remarquable. Nous sommes également conscients des contraintes de financement auxquelles tous les gouvernements doivent encore faire face alors que nous traçons la voie de la reprise économique et de la croissance.
Toutefois, un élément fondamental n’a pas reçu une attention suffisante dans les récentes discussions sur les soins de santé, alors qu’il est essentiel pour la viabilité à long terme de notre système de santé actuel : la recherche et l’innovation en matière de santé. Nous ne pouvons tout simplement pas transformer la prestation des soins de santé et améliorer les résultats sans donner la priorité à cet aspect de la politique de santé dans la discussion budgétaire.
C’est grâce à la science fondamentale que nous avons pu répondre aussi rapidement aux défis sanitaires que posait la COVID-19 aux Canadiens et au monde entier. Le développement rapide des diagnostics, des traitements et des vaccins eux-mêmes n’aurait pas été possible sans elle.
D’autres gouvernements confrontés à des pressions budgétaires similaires sont parfaitement conscients de la nécessité de s’engager dans des investissements à long terme dans la recherche. Le Royaume-Uni fera passer le financement total de la recherche et du développement de 1,7 % de son PIB en 2017 à 2,4 % d’ici 2027. Les États-Unis ont récemment annoncé une augmentation de 2,5 milliards de dollars américains du financement des National Institutes of Health (NIH), soit une augmentation de 5,3 %, pour un budget total de 47,5 milliards de dollars américains en 2023.
À titre de comparaison, rappelons que l’investissement actuel du Canada dans la recherche et le développement, tous secteurs confondus, demeure à environ 1,6 % de notre PIB. Plus inquiétant encore, le budget annuel des Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC) a augmenté d’un peu plus de 1 pour cent en 2020-2021 pour atteindre environ 1,2 milliard de dollars canadiens. Nous ne pouvons tout simplement pas attirer de grands chercheurs et favoriser un écosystème de recherche en santé dynamique et novateur dans un environnement aussi concurrentiel à l’échelle mondiale, compte tenu de ces problèmes chroniques de sous-financement.
Nous vous encourageons à faire preuve d’audace et de détermination à ce moment crucial, maintenant que l’accord avec les provinces et les territoires vient d’être signé : doubler les budgets des trois Conseils. Cet engagement transformerait notre écosystème de recherche pour qu’il soit compétitif, innovateur et durable. Avec un financement accru, il faut mettre davantage l’accent sur l’application pratique dans le système de santé, afin que nous puissions apporter des améliorations à la prestation des soins.
Le statu quo laisse malheureusement le Canada dans une position précaire. De plus en plus, les meilleurs chercheurs quitteront le pays, et nous ne serons pas en mesure d’attirer des talents étrangers pour les remplacer. Le milieu de la recherche en santé au Canada est un réseau complexe de pôles de connaissances réunissant des hôpitaux de recherche, des établissements universitaires et le secteur privé, lesquels partagent une expertise représentant des dizaines d’années d’expérience. Sans la capacité d’attirer les plus brillants et les meilleurs dans ces établissements, notre écosystème de recherche se fragilise, compte tenu de la compétitivité du marché mondial en matière de percées scientifiques. Lorsque les chercheurs quittent le Canada, ils emportent avec eux leurs innovations et leurs découvertes, ce qui signifie que les Canadiens ne profitent pas des avantages de ces innovations sur le plan de la santé et de l’économie.
Si nous prenons la bonne direction maintenant, les effets à long terme de ces investissements se traduiront par de meilleurs résultats en matière de santé et, surtout, par une réduction des coûts globaux pour notre système de santé au fil du temps. Nous serons également en mesure de commercialiser plus rapidement et plus efficacement les innovations et les traitements en matière de santé, ce qui nous rendra beaucoup plus compétitifs pour attirer les talents et les investissements mondiaux. Nous pourrons dire, avec fierté, que nous ne nous contentons pas de former, mais que nous conservons également la prochaine génération de chercheurs et de cliniciens de premier plan dans nos hôpitaux de recherche et nos organismes de soins de santé.
Nous savons que la recherche en santé n’est qu’un des nombreux enjeux que vous, en tant que décideurs, devez soupeser dans la balance des priorités à examiner de toute urgence. Et pourtant, si nous voulons réussir à améliorer les soins de santé, l’augmentation des investissements dans le secteur de la recherche en santé au Canada, en doublant les budgets des trois Conseils et des IRSC, constitue la meilleure contribution que le gouvernement fédéral puisse faire.
Si vous ou un membre de votre équipe souhaitez discuter de ces questions plus en détail, n’hésitez pas à me joindre. Nous serons heureux de vous rencontrer à votre convenance.
Je vous prie d’agréer, Monsieur le Premier Ministre et Madame la Vice-Première Ministre, l’expression de notre très haute considération.
Dr Michael Gardam
Président, Conseil d’administration de SoinsSantéCAN et directeur général, Santé Î.-P.-É.
Paul-Émile Cloutier
Président et chef de la direction, SoinsSantéCAN