
Comment SoinsSantéCAN contribue-t-elle à relever les défis cruciaux du système
Catherine Gaulton (cheffe de la direction de HIROC) et Paul-Émile Cloutier (président et chef de la direction de SoinsSantéCAN) présentent leurs points de vue sur les questions les plus pressantes du secteur de la santé et sur ce que font des organisations comme SoinsSantéCAN pour relever les défis.
Des entretiens comme celui-ci contribuent à alerter l’opinion publique sur les mesures que nous pouvons prendre, comme communauté des soins de santé, pour prendre le virage en matière de sécurité des patients. Les partenariats de HIROC sont essentiels pour réaliser le changement et nous aider chacun d’entre nous à concrétiser notre vision du partenariat pour créer le système de soins de santé le plus sécuritaire.
Catherine Gaulton : Chez HIROC, nous sommes très conscients que les pénuries de ressources humaines en santé et les cybermenaces sont des sujets d’inquiétude majeurs pour les organisations des soins de santé du Canada. Le prochain plan stratégique de HIROC met l’accent sur les mesures à prendre pour offrir le meilleur soutien possible à nos abonnés dans ces domaines. Sur le plan des ressources humaines, cela comprend de mettre l’accent sur la bonne gestion des risques tout en permettant aux dirigeants et aux prestataires de soins de santé d’innover dans leur approche – essentiellement, il s’agit d’équilibrer l’impact du risque. Je suis certaine que SoinsSantéCAN accorde également une attention importante aux questions liées aux ressources humaines en santé et à la cybersécurité. J’aimerais vous entendre à ce sujet.
Paul-Émile Cloutier : En tant qu’organisation nationale qui représente des hôpitaux, des instituts de recherche en santé et des organisations de soins de santé, j’entends constamment les dirigeants de nos institutions membres souligner que le problème des ressources humaines est le plus grand défi auquel font face les organisations de santé de tout le pays aujourd’hui.
Comme la pandémie de COVID-19 traîne en longueur, ce sont les travailleurs de la santé qui sont au front, souvent au détriment de leur santé et de leur bien-être personnels. Nombre d’entre eux ont retardé leur départ à la retraite, des étudiants ont pris le relais et des milliers de retraités sont revenus au travail pour soutenir leurs collègues. Tout cela a entraîné une hausse temporaire de nos effectifs, mais à mesure que les travailleurs partent (ou retournent) à la retraite et que d’autres choisissent de quitter le secteur des soins de santé, nous devrons compter sur une main-d’œuvre réduite et à bout de souffle aux prises avec des demandes publiques toujours plus grandes, ce qui risque de provoquer une augmentation exponentielle du stress, de l’épuisement professionnel et de la maladie mentale.
La question de la cybersécurité dans les soins de santé est un autre domaine dans lequel la pandémie a causé des ravages considérables, car les hôpitaux et les instituts de recherche en santé hébergent des données extrêmement précieuses. Les criminels savent que s’ils bloquent l’accès à ces données – ou aux systèmes numériques qui permettent la prestation des soins de santé modernes – il y a fort à parier que l’institution visée paiera la rançon à cause du risque posé à la sécurité des patients.
Des chirurgies reportées ou annulées, des rendez-vous de chimiothérapie manqués, des outils de diagnostic rendus inutiles, des salles d’urgence capables seulement d’offrir les soins les plus élémentaires. C’est ça la réalité d’une cyberattaque moderne dans le domaine des soins de santé et c’est de plus en plus fréquent à la grandeur du Canada.
Les cybercriminels savent aussi que le système de santé canadien manque cruellement de ressources pour donner au personnel surchargé le temps et la possibilité d’accéder à une formation en cybersécurité. C’est une tempête parfaite de vulnérabilité et d’opportunité.
Catherine : Chez HIROC, nous sommes à l’écoute et nous agissons sur ces questions à mesure qu’elles surviennent. Nous savons que le partage des connaissances est déterminant et qu’il montre comment une réciprocité d’entités aux vues similaires peut mener à l’action. Ce que nous entendons, c’est que ces questions confirment la nécessité d’agir sur les scènes nationale et locale. Pouvez-vous nous dire comment SoinsSantéCAN contribue à relever ces défis?
Paul-Émile : Prévoyant l’aggravation de la crise des ressources humaines en santé à travers le pays, dès 2021, nous avons collaboré avec les hauts responsables des ressources humaines et de la culture de nos organisations membres de tout le Canada pour créer le Comité consultatif sur les ressources humaines en santé.
Ce comité s’affaire à renforcer les liens entre les employeurs, les décideurs, les enseignants et les chercheurs du domaine de la santé pour élaborer des stratégies pancanadiennes, pragmatiques, ciblées et cohérentes afin d’offrir un aperçu et des solutions aux problèmes actuels et à venir.
Ce comité consultatif a déterminé comme suit les trois principales priorités dans lesquelles doit s’engager le gouvernement fédéral en tant que partenaire :
- Assurer un effectif adéquat de travailleurs de la santé ayant les compétences, les aptitudes et la diversité nécessaires pour soutenir et faire évoluer notre système de santé et servir équitablement la population et les besoins diversifiés du Canada.
- Soutenir la santé, le bien-être, la sécurité et la résilience de notre main-d’œuvre en adoptant une stratégie pancanadienne en matière de santé mentale et en offrant aux travailleurs des soins de santé des outils et des ressources en ce domaine.
- Promouvoir l’équité, la diversité, l’inclusion et la réconciliation dans notre système de santé par la lutte contre la discrimination systémique, l’élimination des barrières et le développement de talents au sein des communautés mal desservies en quête d’équité, de manière à refléter et à servir toutes les communautés du Canada.
Nous saisissons toutes les occasions pour soulever ces questions auprès des décideurs, des politiciens, des médias, des autres parties prenantes et de divers groupes. Grâce à nos efforts et à ceux d’autres intervenants, je crois que les gouvernements comprennent l’importance du défi et les risques pour les soins des patients si rien n’est fait.
En matière de cybersécurité, nous plaidons vivement en faveur d’un investissement accru dans les soins de santé, à hauteur de 0,6 pour cent du produit intérieur brut (PIB), ce qui alignerait le Canada sur l’OCDE; de mesures visant à remédier aux pénuries de ressources humaines dans le système; et de l’adoption par le gouvernement fédéral d’une position plus agressive sur la scène internationale face au fléau des rançongiciels.
SoinsSantéCAN et le Conseil stratégique des DPI ont également lancé un nouveau projet avec le soutien du Programme de coopération en matière de sécurité de Sécurité publique Canada visant à élaborer une nouvelle série de normes de résilience cybernétique dans le système de soins de santé du Canada et à contribuer à la lutte contre les menaces croissantes à la cybersécurité dans le domaine des soins de santé.
L’élaboration de la nouvelle norme s’appuie sur les commentaires et les conseils d’experts provenant des dirigeants principaux de l’information (DPI) et des dirigeants principaux de l’information et de la sécurité (DPIS) des cinq régions du Canada. Deux séances de groupes de discussion virtuels se sont tenues au début du mois de mars et ont permis de connaître le point de vue du secteur des soins de santé sur les questions et les défis liés à la cybersécurité.
Le Conseil stratégique des DPI affinera les orientations à partir des commentaires reçus dans le cadre des groupes de discussion facilités et préparera un rapport détaillé permettant l’élaboration de normes et l’examen des progrès. Le Conseil stratégique du DPI élaborera ensuite la Norme nationale du Canada avec son comité technique sur la cybersécurité, agréé par le Conseil canadien des normes.
Catherine : Du point de vue de HIROC, il est essential que les organisations de soins de santé et les organisations partenaires unissent leurs efforts et apprennent les uns des autres sur les questions les plus difficiles. Êtes-vous d’accord avec cela?
Paul-Émile : Absolument. C’est un point extrêmement important que la pandémie de COVID-19 a bien mis en évidence. Les technologies évoluent sans cesse, tout comme notre compréhension de la santé, ce qui crée de nouvelles opportunités et des avenues à explorer. Nos membres s’adaptent, évoluent et redéfinissent la notion de soins de qualité pour tracer les meilleures voies vers l’avenir et mieux servir leurs collectivités. De ce fait, il y a beaucoup d’innovations incroyables qui se font ici au Canada et qui pourraient être adaptées et mises en œuvre dans les hôpitaux du monde entier.
Nos membres s’entendent pour dire qu’il est essentiel d’éliminer les silos géographiques pour identifier de telles pratiques exemplaires, mais le Canada est un immense pays, de sorte qu’il est difficile de collaborer et de réseauter avec des homologues de partout au pays, et même de l’étranger.
C’est pourquoi nos membres considèrent que l’un des plus importants services que nous leur offrons est de donner l’occasion aux leaders en santé de réseauter et de partager leurs connaissances avec des collègues et homologues nationaux et internationaux.
Catherine : Nous vivons une période où nous devons décider quelles innovations issues de la pandémie nous souhaitons conserver ou non. C’est aussi une période où nous demandons beaucoup de nos dirigeants. Y a-t-il un conseil que vous aimeriez donner en tant que chef de la direction de SoinsSantéCAN?
Paul-Émile : D’abord, je souhaite remercier tous nos dirigeants du secteur de la santé et leurs équipes pour leur courage, leur ténacité et leur leadership pendant une période pleine d’énormes frustrations et de défis monumentaux auxquels ils ont fait face pendant les deux dernières années. Comme m’a dit le chef de la direction d’un de nos membres, un important institut de recherche en santé, « ce n’est pas le moment de revenir à la normale, car les choses ne sont pas normales. »
Nous avons besoin que nos dirigeants nous disent ce qui a bien fonctionné et ce qui a été un échec. Nous pourrons ensuite en tirer des leçons en examinant les défis liés aux champs d’exercice, aux modèles de soins, à l’échelle et à la transmission, et mettre en place un système qui permet un meilleur partage des données et des analyses.
De plus, au nom de nos membres, nous devons nous assurer que les organisations de soins de santé disposent des ressources nécessaires pour continuer à lutter contre la pandémie de COVID-19 tout en fournissant d’autres services de santé vitaux, comme les interventions chirurgicales et autres traitements reportés en raison des besoins entraînés par la pandémie.
Cela signifie également qu’il faut s’assurer que les institutions de recherche en santé ont le soutien dont elles ont besoin pour continuer à faire des percées qui innovent dans la prestation des soins, qui protègent les gens contre les maladies et qui améliorent les résultats en santé pour tous.
C’est pourquoi, comme nation, nous devons chercher à consolider le système de santé du Canada pour qu’il puisse relever les défis de l’avenir. SoinsSantéCAN insiste donc principalement sur les questions suivantes dans son plaidoyer :
- Le renforcement du soutien à la recherche et à l’innovation en santé : L’investissement fédéral dans la recherche en santé fait pâle figure par comparaison avec les investissements de bien d’autres pays de l’OCDE. Les divisions juridictionnelles et le paysage réglementaire du Canada découragent les partenariats et l’investissement mondial.
- Une stratégie nationale de planification de la main-d’œuvre en santé : Le Canada ne compte pas suffisamment de travailleurs des soins de santé pour répondre à la demande actuelle du système, et à plus forte raison, à sa demande future. La prestation des soins de santé est une affaire de personnes et nous avons besoin de toute urgence d’une approche pancanadienne à la planification des ressources humaines en santé.
- Le soutien à un meilleur vieillissement : Le Canada doit élaborer une approche pancanadienne visant à améliorer les services de santé et les services sociaux pour les personnes âgées et à s’assurer qu’ils répondent à leurs besoins et à leurs désirs.
- La modernisation du système de soins de santé du Canada : Le gouvernement fédéral doit mieux soutenir les infrastructures du secteur de la santé, y compris l’infrastructure numérique et la cybersécurité, afin de rationaliser le système de santé; de soutenir les soins virtuels et d’améliorer l’accès et les résultats en santé.
- Le financement du système de soins de santé. La durabilité des soins de santé dans le futur suscite de plus en plus d’inquiétudes. Y aura-t-il assez d’argent pour fournir les soins aux patients?
- La modernisation du mode de prestation des soins. La COVID-19 a fait apparaître au grand jour les failles et les lacunes du système et a clairement montré que notre façon de fournir les soins aujourd’hui n’est plus satisfaisante. Il est donc essentiel de repenser tout le système de santé et nous devons trouver une meilleure façon d’établir des liens entre ses diverses composantes.