SoinsSantéCAN est le porte-parole national des instituts de recherche en santé, des autorités sanitaires et des organisations de soins de santé de tout le Canada. Nous plaidons en faveur de la recherche et de l’innovation en santé et de services de santé de grande qualité pour la population canadienne. Nous nous réjouissons de l’occasion qui nous est offerte de présenter le présent mémoire au Comité permanent des finances dans le cadre des consultations prébudgétaires en vue du budget fédéral de 2024.
La crise actuelle des soins de santé au Canada n’est rien de moins qu’une urgence nationale qui requiert une action tout aussi urgente et immédiate de tous les ordres de gouvernement. Les nouveaux investissements de 46,2 milliards de dollars dans les soins de santé prévus par le gouvernement fédéral en février 2023 sont une injection de fonds bien accueillie. Toutefois, il est urgent d’investir beaucoup plus pour créer un système de santé sur lequel la population du Canada peut compter.
Le budget de 2024 offre au gouvernement fédéral une occasion cruciale de démontrer son engagement à renforcer véritablement les soins de santé et la recherche en santé au Canada, des questions qui restent des priorités essentielles pour la population de tout le pays. Sans investissements fédéraux supplémentaires pour soutenir sa modernisation, le système de santé continuera de se détériorer et le Canada continuera de se laisser distancer par ses pays pairs.
Des investissements significatifs dans la recherche en santé, le système de santé et les travailleurs des soins de santé permettront au Canada de transformer le système de santé et d’en faire un système centré sur les personnes, intégré et en mesure de fournir les soins en fonction des souhaits et des besoins de la population, qu’il s’agisse de soins virtuels, de soins communautaires ou de soins à domicile. En investissant de la sorte, le Canada pourra continuer de progresser vers la prestation de soins de santé sécuritaire sur le plan culturel, exempte de racisme et de discrimination et inclusive.
Il est essentiel que le gouvernement fédéral agisse immédiatement et s’engage fermement dans le budget de 2024 de manière à ce que la population canadienne puisse obtenir les soins de santé dont elle a besoin, au moment où elle en a besoin.
L’écosystème de la recherche du Canada accuse du retard sur la scène mondiale. Depuis trop longtemps, le gouvernement fédéral n’accorde pas la priorité ni le financement nécessaires à la recherche et à l’innovation en santé qui sont pourtant le fondement d’un système de santé adapté, durable et moderne. Comme le système de santé du Canada est en crise, il n’a jamais été aussi crucial d’investir dans la recherche en santé. Ces investissements permettent la découverte de traitements qui améliorent la vie des personnes atteintes de maladies chroniques ou mortelles; mènent à des innovations qui rendent les soins de santé plus accessibles et plus efficaces; permettent de former la prochaine génération de travailleurs de la santé hautement qualifiés; et contribuent à relever les plus grands défis de notre époque, comme le vieillissement de la population et le changement climatique.
Alors que les pays pairs du Canada, y compris les É.-U. et le R.-U., engagent des milliards de dollars pour renforcer leurs écosystèmes de la recherche et de l’innovation et s’assurent d’être des leaders dans ces domaines, le Canada ne reconnaît pas sérieusement la valeur du secteur de la recherche pour stimuler l’amélioration des résultats en santé et l’économie. En fait, le Canada est le seul pays du G7 dans lequel les dépenses intérieures brutes de recherche et développement, exprimées en pourcentage du produit intérieur brut (PIB), n’ont cessé de diminuer au cours des 20 dernières années.
Dépenses intérieures brutes de R-D dans les pays du G7 (Total, % du PIB, 2000 – 2022)
Source : Données de l’OCDE, Dépenses intérieures brutes de R-D.
Alors que les problèmes sociétaux pressants deviennent des préoccupations mondiales, le Canada doit être perçu comme un partenaire de recherche fort, égal et crédible parmi ses pairs. À cette fin, il a besoin d’une vision de la recherche au Canada; d’une structure et de politiques de gouvernance pour mettre en œuvre cette vision, soutenir la recherche et favoriser les partenariats; et d’investissements dans la recherche qui soutiennent les chercheurs, les stagiaires et l’infrastructure nécessaires pour mener de la recherche de classe mondiale et signaler au monde que le Canada est sérieux dans ses efforts de recherche.
L’investissement dans la recherche en santé apporte des avantages à l’économie canadienne qui vont au-delà de la découverte de nouveaux traitements pour les maladies, de solutions pour lutter contre le changement climatique ou d’innovations qui aident les gens à bien vieillir. Chaque dollar investi dans la recherche permet de former la prochaine génération du personnel hautement qualifié, essentiel à une économie productive fondée sur les connaissances et l’innovation. Sans financement de la recherche, le Canada ne peut pas produire les chercheurs, les cliniciens-chercheurs, les ingénieurs et les autres travailleurs de haut niveau nécessaires pour soutenir et faire croître l’économie canadienne, attirer et retenir de nouveaux investissements, et développer les entreprises canadiennes émergentes dans le domaine des sciences de la vie qui pourraient devenir la prochaine réussite mondiale.
Le Canada perd actuellement ses meilleurs et plus brillants chercheurs – des stagiaires et chercheurs en début de carrière, mais aussi des chercheurs établis – au profit d’autres pays qui considèrent l’investissement dans la recherche et l’innovation comme étant prioritaire. Le Canada, du fait qu’il ne s’engage pas sérieusement à soutenir la recherche, envoie aux chercheurs le signal qu’ils devraient poursuivre leurs carrières et leurs recherches ailleurs.
Le gouvernement fédéral doit immédiatement mettre en œuvre les recommandations du Comité consultatif sur le système fédéral de soutien à la recherche, et notamment augmenter les investissements dans la recherche dirigée par les chercheurs par l’entremise des trois conseils et offrir un soutien compétitif et soutenu aux talents en recherche du Canada.
SoinsSantéCAN demande instamment au gouvernement fédéral de doubler immédiatement le financement actuel accordé aux trois conseils subventionnaires et de s’engager à l’augmenter annuellement pour suivre le rythme de l’inflation et les références mondiales afin d’assurer le financement compétitif et durable de la recherche.
SoinsSantéCAN demande également au gouvernement d’augmenter le financement fédéral disponible par l’intermédiaire des trois conseils pour les bourses d’études supérieures et les bourses postdoctorales à un minimum de 25 000 dollars et 35 000 dollars respectivement en liant les niveaux de financement à la hausse de l’inflation, et d’augmenter de 50 pour cent le nombre total de bourses d’études et de bourses postdoctorales offertes, en l’ajustant chaque année pour tenir compte du niveau d’inscription dans les programmes d’études supérieures et postdoctorales.
Les travailleurs des soins de santé, qui représentent près de 10 % des travailleurs du Canada et plus de 66 % de toute la dépense en santé – ce qui correspond à environ 8 % du PIB du Canada – sont le plus grand atout de notre système de santé. Toutefois, les conditions de travail difficiles dues à la pénurie de personnel et à l’insuffisance des ressources incitent de plus en plus de travailleurs à quitter le système.
Comme on prévoit une pénurie mondiale de personnel de la santé au cours de la prochaine décennie, le Canada ne pourra pas recruter suffisamment de travailleurs pour remédier à la situation actuelle. Le recrutement jouera un rôle, mais il sera crucial de retenir les travailleurs actuels des soins de santé, de planifier stratégiquement les besoins en personnel de santé et d’innover pour améliorer les milieux de travail et l’efficacité du système. Les gouvernements, à tous les niveaux, y compris le gouvernement fédéral, doivent investir davantage pour mettre en œuvre des approches créatives qui réduisent le stress et la charge de travail des travailleurs de la santé, favorisent leur santé mentale et les aident mieux à fournir les soins et qui offrent aux patients un meilleur accès aux soins.
Le gouvernement fédéral, en collaboration avec les provinces et territoires, a établi plusieurs priorités reliées à la main-d’œuvre en santé, dont l’innovation visant à permettre au système de santé de mieux retenir les travailleurs et de travailler plus intelligemment. Plusieurs organisations des soins de santé mettent déjà en œuvre des solutions transformatrices pour relever les défis de la main-d’œuvre et améliorer l’expérience des travailleurs de la santé et des patients avec le système de santé, mais un investissement supplémentaire permettrait d’accélérer ces efforts, d’en étendre la portée et la diffusion et de promouvoir la collaboration et l’innovation à l’échelle pancanadienne.
SoinsSantéCAN recommande la création d’un fonds d’innovation pour les ressources humaines en santé de 1 milliard de dollars, concentré en début de période, sur trois ans, directement mis à la disposition des organisations de soins de santé aux fins de la mise en œuvre, de la diffusion et de l’extension d’approches innovantes pour relever les défis des ressources humaines en santé. Les piliers et les priorités établis par les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux devraient servir de cadre à ce fonds pour assurer que les projets subventionnés concordent avec les priorités gouvernementales établies.
Les établissements de soins de santé du Canada sont parmi les infrastructures publiques les plus âgées en service aujourd’hui. Environ 48 pour cent d’entre eux au Canada et 70 pour cent dans les villes, ont été construits il y a plus de 50 ans. Au cours des 20 dernières années, l’investissement canadien dans les infrastructures de la santé a fluctué, avec une baisse notable au cours des dernières années, malgré l’augmentation constante des dépenses globales en santé au cours de cette période.
Dépenses de santé annuelles en pourcentage du PIB, en moyenne de 2015 à 2019 (ou année la plus proche) par type d’actifs
Source : Panorama de la santé 2021, indicateurs de l’OCDE.
En conséquence, les organisations de soins de santé du pays sont confrontées à un retard considérable en matière d’entretien différé et de projets d’infrastructures. Une étude réalisée en 2015 a déterminé que le coût des travaux d’entretien différés dans le secteur des soins de santé atteignait le chiffre stupéfiant de 15,4 milliards de dollars. Nul doute que ce chiffre a continué d’augmenter depuis lors, ce qui souligne l’urgent besoin de remédier immédiatement à cette situation.
Le défaut du Canada de maintenir des investissements en capital adéquats dans ses installations de soins de santé compromet gravement la capacité de notre système de santé à fournir aux patients des soins de grande qualité, sécuritaires et innovants. La modernisation des infrastructures de la santé du Canada permettrait de relever de nombreux défis auxquels le système de santé, les travailleurs et les patients sont confrontés dans la prestation et la recherche de soins. L’intégration d’une meilleure conception et d’une technologie actualisée rendrait la prestation de soins et le partage d’informations plus sécuritaires, plus efficaces et plus rationnels, et contribuerait à remédier aux pénuries de main-d’œuvre en libérant les professionnels de la santé pour qu’ils puissent fournir des soins directs de meilleure qualité. Elle permettrait également aux patients de recevoir des soins plus uniformes et d’accéder plus facilement aux soins dans l’environnement de leur choix, qu’il s’agisse de soins à domicile, des soins communautaires ou de soins virtuels, ce qui aurait pour effet d’améliorer leurs expériences et de mieux intégrer les soins dans leurs vies.
Par ailleurs, la désuétude des établissements de santé a également des incidences sur l’environnement, car ces établissements comptent parmi les installations les plus énergivores du Canada, consommant environ 11 % de l’énergie publique totale et comptant pour environ 5 % des émissions de gaz à effet de serre du Canada et plus de 200 000 tonnes d’autres polluants. Le système de santé du Canada est parmi les moins écologiques au monde, se classant au troisième rang des plus fortes émissions de gaz à effet de serre par habitant – et ses émissions continuent à augmenter. L’investissement dans les infrastructures de la santé permettra de créer un système de santé plus durable, ce qui est plus important que jamais, car les impacts du changement climatique se font de plus en plus sentir par la population canadienne.
Les organisations de la santé ne peuvent pas accéder directement au financement fédéral des infrastructures, ce qui constitue un obstacle majeur à la modernisation des infrastructures de santé. Elles dépendent des fonds alloués aux provinces et aux territoires, et éventuellement aux municipalités, pour l’amélioration des infrastructures de santé. Cette approche s’est avérée peu fiable, car nombre de ces gouvernements comptent sur les budgets de santé pour couvrir ces projets, ce qui est irréalisable compte tenu des niveaux de financement actuels et de la demande qui pèse sur le système.
SoinsSantéCAN demande au gouvernement fédéral d’établir un fonds de modernisation des infrastructures des soins de santé de 5 milliards de dollars, sur trois ans, directement mis à la disposition des organisations de soins de santé pour leur permettre d’effectuer les travaux d’entretien, de modernisation et de construction des installations qui accusent un long retard afin de garantir à la population canadienne un système de santé moderne, équitable et résilient face au changement climatique. La hausse de l’investissement du gouvernement fédéral d’environ 1,6 milliard de dollars par année pour les trois prochaines années, combinée à des augmentations supplémentaires du financement provenant des provinces et territoires contribuerait à aligner le Canada sur la moyenne des dépenses en capital des pays de l’OCDE dans le domaine de la santé.
L’investissement dans les infrastructures des soins de santé, tant physiques que numériques, créera un système de santé plus résilient, durable et équitable, tout en améliorant les soins aux patients et la sécurité, en stimulant l’économie du Canada, en créant des emplois et en aidant le Canada à atteindre sa cible de carboneutralité.
PRÉSENTÉ
le 4 août 2023
POUR PLUS D’INFORMATIONS
Bianca Carlone
Analyste des relations gouvernementales et des politiques
bcarlone@healthcarecan.dev2.inter-vision.ca
Jonathan Mitchell
Vice-président, Recherche et politiques
jmitchell@healthcarecan.dev2.inter-vision.ca
